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6 juillet 2010 2 06 /07 /juillet /2010 20:00

Version:1.0 StartHTML:0000000182 EndHTML:0000033079 StartFragment:0000002825 EndFragment:0000033043 SourceURL:file://localhost/Users/richard/Desktop/Panem%20et%20circenses.doc

Panem et circenses

 

Les courses de chars, la gladiature, le mime sont des spectacles aussi populaires que vulgaires, volontieurs obscènes (le mime et la pantomime), cruels (les courses de chars), voire sadiques (la gladiature). Ce sont pourtant des choses totalement différentes, qui ne se déroulaient normalement pas dans les mêmes lieux, et qui ont été introduites à des époques différentes à Rome, et qui ne participent pas au même niveau à la vie politique.

Notons déjà que la formule panem et circenses, le pain et les jeux de cirque, n’apparaît que dans la dixième satire de Juvénal, autour de 120 ap. J.-C. ; il est donc impossible qu’elle ait figuré sur l’entrée monumentale du cirque à l’époque de César, comme l’ont imaginé Goscinny et Uderzo. On ajoutera aussi que les combats de gladiateurs, représentés à Tarquinia (80 km au nord-ouest de Rome) dans la tombe des Augures à la fin du Ve siècle av. J.-C., ont été introduits à Rome dans le cadre des cérémonies funéraires des grandes familles avant de faire partie de la vie publique ; et que les jeux scéniques, également d’origine étrusque avec des influences grecques (de Campanie), ont été introduits en 364 av. J.-C. pour des raisons religieuses : il s’agissait d’apaiser les dieux après deux ans d’épidémie (Tite-Live, Histoire romaine VII 2). Le mime semble avoir remplacé la comédie latino-étrusco-campanienne seulement à l’époque de Caligula.

Dans le courant du IIème siècle avant J.-C., les jeux (romains, Apollinaires, plébéiens, etc.) se multiplièrent. Ils servaient nettement les intérêts électoraux des magistrats qui les « éditaient » à leurs frais et comptaient sur la popularité ainsi acquise pour se faire élire aux magistratures supérieures. En principe, ce sont les édiles, chargés d’entretenir les temples et les rues, qui paient ces distractions au peuple en début de carrière. La reconnaissance du peuple (car ces fêtes s’accompagnaient de distributions de vin, d’huile et de pain) leur valait ainsi d’être élus préteurs, puis, une fois sortis de charge, de passer propréteurs dans une province dont ils exploitaient éhontément les habitants pour rembourser leurs dettes (ceci à partir de Sulla, en 82).

C’est pour cette raison que les augures déclaraient facilement que les jeux – dédiés aux dieux, rappelons-le – avaient été viciés par un défaut dans la prise des auspices ou sous n'importe quel autre prétexte, comme un coup de tonnerre. Ainsi, on les recommençait en totalité en totalité plusieurs fois, et cela tenait la populace sous la pression de l' «opium du peuple» de l'époque.

Exemple le plus célèbre, Jules César, qui paya 160 paires de gladiateurs pendant son édilité de 68 ; les conservateurs du sénat s’empressèrent de limiter le faste de ces munera, notamment parce que les gladiateurs étaient des combattants professionnels et pouvaient éventuellement jouer un rôle déterminant dans les combats politiques qui reposaient sur la corruption et sur l’intimidation à cette période.

À partir de la dictature de César, il n’y eut plus d’élections effectives, et c’est le Prince qui ordonnança tous les jeux. C’était d’ailleurs le Prince qui possédait presque la totalité du numéraire disponible dans l’Empire… et le petit panier d’osier dans lequel les ménagères déposaient quelques pièces de monnaie pour le marché, le fiscus, finit par désigner le trésor impérial.

Sur la gladiature, je vous renvoie à deux thèses importantes, donc épaisses, celle de Georges Ville, 1981, et Le Pain et le Cirque de Paul Veyne, 1976 (Seuil). Mais il reste une excellente lecture pour la plage, les 735 pages du Néropolisde Monteilhet, largement inspirées de Georges Ville. Un excellent entretien de Paul Veyne est paru récemment dans un hors-série de L’Histoire, décembre 2009, consacré à la BD Muréna. Moins de 5 € et probablement encore disponible en cherchant bien.

J’en extrais un article de Jean-Paul Thuillier, Directeur des Études à l’ENS-Ulm, que je reproduis partiellement.

« Dans la Rome antique, aux premiers siècles de notre ère, certains auriges (cochers) jouissaient d’une faveur et de privilèges aussi grands que les footballeurs stars d’aujourd’hui. Des inscriptions funéraires détaillent pourla postérité la carrière et le palmarès de ces idoles. Ainsi, Caius Appuleius Diocles, qui venait d’Espagne, une province où les courses de chars étaient particulièrment prisées, se flatte-t-il, dans son épitaphe, d’avoir remporté 1462 victoires sur les 4257 épreuves qu’il avait disputées au cours de 24 ans de carrière. L’inscription insiste sur ses débuts, sa première victoire, les différdnts propriétaires pour lesquels il a couru et qui sont en fait les « factions »' (des entreprises asses semblables aux grands clubs de football actuels) ; elles étaient quatre au total et différenciées par leur couleur : blanc, rouge, vert et bleu. [Ces écuries étaient aussi liées aux factions politiques : ainsi les populares pariaient sur les verts, et Suétone raconte que César, pendant son édilité, fit mettre du sable vert sur la piste en le teintant avec du sulfate de cuivre.]

«  […] Les idoles du cirque romain étaient ces conducteurs de chars. D’après l’historien Tite-Live, le programme officiel du cirque fut longtemps composé de quadrigae et de desultores : des chars à quatre chevaux et des cavaliers-voltigeurs qui couraient avec deux chevaux. L’absence de simples courses montées est d’autant plus étonnante que les Grecs pratiquaient cette compétition régulièrment : les vainqueurs athéniens à la course montée d’Olympie, la kélès, bénéficiaient dans leur cité des mêmes récompenses que les vainqueurs à la course de chars. Mais les vainqueurs étaient les propriétaires des chevaux et non les cavaliers ou auriges, simples professionnels. […]

«Les Étrusques ont presque tout apporté aux Romains dans le domaine des compétitions hippiques et athlétiques. Selon la tradition historiographique, c'est le roi Tarquin l'Ancien qui aurait «inventé» le Grand Cirque, dans la dépression naturelle située entre l'Aventin et le Palatin ; il aurait organisé les premiers grands jeux romains, vrfs la fin du VIIe siècle avant notre ère. Or les fresques funéraires étrusques de Tarquinia et de Chiusi ne montrent pas de courses de chevaux montés ; en revanche, chars de compétition et cavaliers-voltigeurs se bousculent sur les parois des tombes.

À Rome, les plus appréciées étaient les courses de quadriges, courses de galop très animées et périlleuses. Le danger était grand, au passage des bornes autour desquelles les chars tournaient :: lors que la roue gauche – on courait «corde à gauche» – touchait la borne, c'était le «naufrage» et, parfois, la mort accidentelle de cochers souvent très jeunes. Ce ne fut pas le cas de notre Dioclès qui l'emporta aussi sur des chars tirés par deux ou trois chevaux.. Le trige était constitué de deux cheevaux timoniers et d'un cheval extérieur relié au char par un simple trait ; ce cheval extérieur tenait un rôle capital dans les virages. Et, sur ce point, nous saisissons encore les influences étrusques sur le cirque romain : seuls les Étrusques utilisaient en compétition ce type de char, que les Grecs ont toujours ignoré. Il y avait même à Rome, au Champ de Mars, le long du Tibre,, un cirque d'entraînement appelé Trigarium en raison des triges qui s'y produisaient ; ce cirque, qui remonte à la période étrusque de Rome (614-510 av. n. è. selon la tradition), était aussi le  théâtre de quelques courses officielles, à l'occasion de festivals religieux. Et la présence de ce Trigarium explique que les écuries des factions aient été situées dans cette zone de Rome et non près du Grand Cirque ; des fouilles pratiquées sous le Palais Farnese ont permis récemment de retrouver des vestiges du siège d'une de ces factions.

Violence de la course

Au IIe siècle de notre ère, des chars plus étranges virent le jour, et notre Dioclès se vante de l'avoir emporté sur un char attelé à six et même à sept chevaux ! Mais ces épreuves devaient être exceptionnelles, comme devait l'être aussi celle appelée celle dite pedibus ad quadrigam gagnée par un autre aurige vedette, Publius Aelius Gutta Calpurnianus. Il faut imaginer là, sans doute, une épreuve où l'aurige s'élançait à pied (pedibus) pour rejoindre son char (ad quadrigam), ce qui permettait aux spectateurs de contempler leurs idoles plus à loisir que dans le feu de la course hippique.

À quoi ressemblaient ces auriges-vedettes ? Quels étaient l'équipement et la technique de ces agitatores, comme on disait en latin ? Il ne faut surtout pas les confondre avec l'Aurige de Delphes, type même du cocher grec, vêtu d'une tunique blanche qui lui tombe jusqu'aux pieds ; celui-ci a la tête coiffée du bandeau de la victoire et il tient les guides dans les mains. Le cocher romain, comme son prédécesseur étrusque, porte une tunique courte (aux couleurs de sa faction) qui s'arrête à mi-cuisses ; il a la tête habituellement protégée par un casque de cuir, et surtout les guides sont nouées autour de sa taille. On voit bien et l'intérête et les risques de cette technique : les guides ne pouvaient glisser des mains dans la violence de la pleine course mais, en cas de naufrage, le péril était multiplié ; aussi, pour éviter d'être traîné par les chevaux emballés – un accident assez f'réquent –, l'aurige romain portait-il, glissé dans les lanières de cuir qui lui formaient comme un corset autour de la poitrine, un couteau en forme de serpette avec lequel il tentait au dernier moment de couper les guides pour se libérer de ce nœud mortel.

À Rome, le programme hipppique officiel comportait donc aussi des desultores qui ouvraient et fermaient le spectacle. Ces cavaliers, comme ceux des cirques modernes, partaient avec deux chevaux et sautaient d'une monture sur l'autre, sans doute à chaque tour de piste. Les écrivains romains ont souvent été tentés par cette image du desultor, qu'ils reprenaient parfois pour qualifier l'art du traducteur, sautant d'une langue à l'autre. Et, de la traduction à la trahison, il n'y a qu'un pas  : trahison amoureuse, et c'est Ovide qui parle du desultor amoris, du «voltigeur d'amour». Image bien cavalière que l'on retrouveencore chez Cicéron pour qualifier un personnage politique qui change de veste, ou plutôt de toge ! au gré des circonstances.

Un dernier trait démontre que les Étrusques ont inspiré les jeux du cirque romain. À Olympie, aucuen femme ne pouvait assister aux grands jeux panhelléniques, à l'exception de la prêtresse de Démêter Chamynè. À Rome, au contraire, les femmes s'installaient librement surles gradins du Grand Cirque. Ovide, poète de la séduction, savait que le Cirque favorisait les rencontres amoureuses. Et lorsqu'Auguste, menant une politique d'ordre moral, voulut séparer les hommes et les femmes dans les édifices de spectable, il ne put appliquer sa réforme au Cirque ; sans doutese heurta-t-il à une tradition trop ancrée, une tradition qui remontait précisément à l'Étrurie. Sur une fresque de Tarquinia  du débutr du Ve siècle av. n.-è. (la tombe des Biges, dont les fresques déposées et restaurées se trouvent au musée de Tarquinia), se déroulent des jeux hippiques et athlétiques, auxquels assistant des spectateurs des deux sexes, installés sur une tribune de bois couverte d'un velum de toile.

À Rome, les jeux du cirque touchaient toutes les classes sociales, de l'empereur jusqu'au dernier des esclaves. Tousles regards convergeaient sur les auriges, objets de grandes passions. Passions malsaines, selon les auteurs chrétiens qui iles dénonçaient avec véhémence, et qui devaient encore s'exacerber dans l'Empire byzantin, à Constantinople surtout, pour conduire à des troubles sanglants rappelant le comportement des hooligans. Adulés par leurs tifosi, guettés parles parieurs, honnis par les supporters des factions concurrentes, déjà critiqués pour les sommes incondérées qu'ils gagnaient alors que d'autres activités plus nobles conduisaient à la misère, tels étaient ces agitateurs de chars, toujours prêts à risqur la mort pour l'emporter au passage de la borne.»

 

Voilà donc ce  qu'écrit mon camarade Jean-Paul, qui ne m'en voudra pas de l'avoir reproduit à peu près mot à mot, puisqu'il est le meilleur spécialiste du sujet et que je n'aurais pu balancer sur le blog que des approximations moins efficaces.

Je vais quand même ajouter quelques détails, dans la seule mesure où ils pourront vous servir pour affronter, si besoin est, l'examen de rattrapage dans deux mois.

Pour simplifier, les jeux athlétiques de l'Antiquité sont issus du domaine civique, et les jeux de gladiature du domaine privé.

Depuis 776 av. l'ère vulgaire, les Jeux Olympiques existent, et en plus ils fondent la chronologie des cités grecques réunies dans une fédération de cités. Ce qui signifie qu'ils étaient là pour régler non seulement la vie des cités, mais surtout les relations entre des cités souvent rivales, mais liées surtout par l'idéologie d'une commune autochtonie hellénique : au début de l'Âge du Fer, les Hellènes, conscients qu'ils héritaient une protohistoire extrêmement compliquée, avec des féodalités de l'Âge du Bronze final dont les rivalités étaient transmises par le mythe, conquièrent l'idée de la πολιτεία, c'est-à-dire, pour faire aussi simple que possible, que les Hellènes de race pure, sans se soucier des Barbares qui les environnent, vivent dans des villes qui contrôlent des campagnes, vénèrent à peu près les mêmes dieux et déesses, et grosso modo constituent une civilisation urbaine avec des intérêts et des conceptions intellectuelles communs.

Dès cette époque, on commence à créer des conventions annuelles ou quadriennales. Il y avait les jeux delphiques, panathénaïques, corinthiens, mais la chronologie s'est fondée sur les olympiques. Peu importe : les jeux étaient identiques, et ils étaient, surtout, civiques. Il s'agissait d'honorer dans plusieurs épreuves sportives, course, boxe, javelot, tir à l'arc, épreuves hippiques, les jeunes citoyens qui étaient les meilleurs et les plus beaux, καλο κγαθο. On honorait les dieux de la Cité, la beauté des Citoyens.

Chez les Étrusques, les jeux ont un tout autre sens, bien que certaines cités étrusques, Tarquinia et Caere en tout premier à cause de leur façade maritime et de leurs relations privilégiées avec Corinthe puis Athènes, soient fortement hellénisées, et qu'on ait trouvé plus de céramique attique à Caere qu'à Athènes même. La société étrusque, au VIIIe siècle, est féodale, et elle le reste au VIe dans des centres ruraux comme Murlo, San Giovenale ou San Giuliano. La cité étrusque apparaît tout juste début VIIe dans la zone maritime hellénisée, plus tard dans l'intérieur. Rome, sous influence étrusque, devient une cité à la fin de ce siècle ou au début du suivant, sous la direction d'un clan de tyrans appelés les Tarquins, selon la tradition.

Les jeux gymniques relatés sur les fresques des tombes étrusques, Tarquinia et Chiusi en particulier, ne relèvent pas du civique mais du féodal : ce sont des rituels qui, développés le jour de l'enterrement, permettent au suzerain ou au noble de passer tranquillement vers la vie éternelle. Preuve en a été donnée voici quelques années par Jean-René Jannot, dans un ouvrage malheureusement introuvable (publié par Ouest-France ; si l'un de vous le trouve chez un bouquiniste, qu'il en fasse profiter les autres). La tombe des Augures, à Tarquinia, prouve que les combats de gladiateurs faisaient partie du rituel funéraire à la fin du VIe siècle.

Rome, simple avant-poste ou plutôt relais du commerce étrusque vers la Grèce d'Italie du Sud, a reçu ces rituels assez tard. Les jeux sportifs probablement au VIe siècle, la gladiature au Ve et le théâtre (lui aussi d'origine religieuse) un peu plus tard. Un texte intéressant de Tite-Live (VII 10) indique qu'on exécuta les premières pièces de théâtre pour «propitier» une épidémie, et qu'ensuite «la jeunesse» oublia le prétexte religieux et en fit des jeux vulgaires et probablement arrosés, qui dégénèrent dans le mime tant critiqué, sous Néron, par Sénèque, et sous Trajan par Juvénal.

Les courses de char, dont nous venons de voir que les Romains en ont fait un spectacle qui n'a plus rien à voir avec les jeux civiques de la Grèce ni avec les cérémonies funéraires de l'Étrurie, faisaient l'objet de paris et avaient des enjeux politiques. Quatre factiones concouraient, donc quatre chars à la fois, les bleus, les blancs, les verts et les rouges ; les blancs avaient la faveur du sénat conservateur et les verts celle de la plèbe, au point que César, voulant flatter la populace, imagina pendant son édilité de faire teinter le sable de l'arène en vert avec du sulfate de cuivre ! Ce qui explique cette réflexion de Goscinny : «ça paie le sable de l'arène.»

Tous les moyens étaient bons pour gagner. Les cochers professionnels étaient ligotés à leur attelage et portaient un poignard pour couper les liens, sans quoi, en cas de chute, ils étaient traînés par leurs chevaux et à peu près sûrs d'y laisser la vie. Il n'était pas exclu d'utiliser le fouet pour faire tomber le cocher adverse, et le passage de la borne (meta) constituait un virage en épingle, un U-turn, extrêmement dangereux.

Les combats de gladiateurs, qui n'ont rien à voir avec les courses et se déroulaient plutôt dans les amphithéâtres qui s'élevaient partout en Italie et dans les provinces, n'étaient pas moins cruels et donnaient lieu aux mêmes paris. Ils étaient également très codifiés, avec des armements précis, épée courte, filet, masque, trident, suivant la qualification du combattant, rétiaire ou samnite. Les combattants étaient des professionnels, en général d'anciens esclaves, entraînés dans des écoles spécialisées (les ludi) et loués aux magistrats par des entraîneurs, les lanistae, qui pouvaient s'enrichir énormément. Les lanistes, comme les bouchers, étaient méprisés mais indispensables dans la vie politique.

Vie politique où, d'ailleurs, les gladiateurs jouaient un rôle (voir les romans de John Maddox Roberts et de Steven Saylor, Montheillet, Sienkiewicz, etc.). Ceux qui survivaient à suffisamment de combats «raccrochaient les gants» ou, en latin, «obtenaient le bâton» et constituaient volontiers les troupes de nervis au service des hommes politiques. Il arrivait aussi que des gladiateurs se révoltent et tentent de conquérir la liberté : la révolte de Spartacus, gladiateur d'origine thrace,, est partie d'un ludus de Campanie. César, toujours lui, «édita» pendant son édilité un spectacle avec 180 paires de gladiateurs ; le risque de voir 360 hommes entraînés au combat envahir le forum suggéra au Sénat de limiter les spectacles à 60 paires.

Je vous remettrai pendant l'été quelques détails supplémentaires et de la bibliographie. Concluons sur une note morale : plus les gladiateurs étaient couturés de cicatrices, éborgnés ou privés de leur nez, et plus ils séduisaient les femmes de la noblesse… chacun ses goûtes. Je vous renvoie à Juvénal et à l'immense Federico Fellini.

 

 

. Les fresques ont beaucoup souffert de leur découverte après une conservation de 2400 ans en milieu anaérobie, et une grande partie de leur surface a disparu. Heureusement, plusieurs dessinateurs et aquarellistes les ont saisies peu après leur découverte, ce à quoi nous devons des reconstitutions au trait, ou en couleurs, plus ou moins fidèles, qu’on peut trouver dans plusieurs catalogues d’expositions, notamment Les Étrusques et l’Europe de 1996, mais dont des dessins au trait, sommaires, figurent aussi dans le très populaire et mal informé Les Étrusques de Werner Keller, chez Marabout. Les personnages hiératiques qui siègent sur les estrades sont des prêtres et prêtresses, voilé(e)s, assis sur des chaises curules et tenant des sceptres. Ces personnages peuvent s’assimiler à des magistrats et à l’équivalent tarquinien des Vestales, sans qu’on puisse trop préciser puisque la tombe ne comporte pas d’inscriptions. Les épreuves athlétiques, représentées de manière assez schématiques par simple agrandissements, me semble-t-il, de figurations de la céramique attique à figures rouges, sont totalement grecques. La tombe du Singe, la tombe del Colle Casuccinià Chiusi, que mon collègue ne mentionne pas ici, ainsi que la tombe dite des Augures à Tarquinia, présentent d’autres luttes qui font encore plus manifestement partie d’un rituel funéraire. Un seul des trois relevés graphiques de la tombe des Olympiades présente en totalité les scènes qui se déroulent sous l’estrade : quatre trios d’éphèbes dans des relations explicitement sodomites. Deux des trois illustrateurs recensés ont simplement supprimé celui qui subit les assauts, ce qui rend les illustrations habituellement publiées incompréhensibles. Cela dit, à moins d’admettre que les coutumes pédérastiques de l’éphébie athénienne ne se soient exportées à Tarquinia en même temps que des quantités de céramique, je ne peux pas, pour le moment, en proposer la moindre explication [R.A.]/

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6 juillet 2010 2 06 /07 /juillet /2010 19:57

Version:1.0 StartHTML:0000000189 EndHTML:0000012300 StartFragment:0000002438 EndFragment:0000012264 SourceURL:file://localhost/Users/richard/Desktop/La%20civilisation%20engloutie.doc

La civilisation engloutie, documentaire de Harvey Lilley

Le 19 juin 2010, Arte a diffusé un documentaire franco-néerlandais consacré à la civilisation minoënne. Par-delà le ton des commentaires, digne de l’école primaire, et de nombreuses imprécisions dans les traductions, j’ai relevé pas mal d’erreurs.

Une fort grave relève dans l’imprécision de la chronologie, peut-être due à une erreur de traduction : tantôt la civilisation minoënne est signalée comme antérieure de 3.000 ans à notre époque, tantôt 3.000 ans avant l’ère chrétienne. En fait, sa fin date du Bronze moyen, qui la situe autour du milieu du deuxième millénaire avant J.-C., soit (en moyenne) à 3.500 ans de nous.  L’évolution locale du néolithique à l’Âge du Bronze remonterait à 2.700 et la catastrophe, dite « éruption minoënne », serait datée au14C de 1.628 ± 25 ans av. J.-C.

Je n’insisterai pas sur ce point, n’étant pas assez compétent sur la période en Méditerranée orientale, mais le catalogue Le monde d’Ulysse vous donnera tous les renseignements nécessaires. Je ne recommande pas Wikipedia, dont les rubriques s’inspirent directement du documentaire (que l’on peut d’ailleurs louer).

Ce qui me choque davantage est que ce reportage n’ait pas évoqué le monde mycénien, qui se développe avec un décalage de deux ou trois générations et qui a gagné la Crète après la dissolution de la culture minoënne. Or il n’y a pas de discontinuités susceptibles de laisser penser qu’un cataclysme ait détruit la Crète dans son ensemble.

Le documentaire cherche à avaliser l’idée que l’éruption volcanique de Santorin (qui n’est jamais appelée de son nom antique, Théra) aurait provoqué trois tsunamis, lesquels auraient recouvert les côtes crétoises et même l’intérieur des terres de plusieurs couches de cendres mêlées à des fossiles marins. La stratigraphie qu’on nous montre des falaises, lesquelles sont d’ailleurs estimées tantôt à 6, tantôt à 30 mètres de puissance, paraît intéressante, mais j’y ai vu, à travers un écran il est vrai pas très net (je n’ai qu’une vieille télévision à quatre chaînes, et Arte passe mal), plutôt des dépôts calcaires que des lapilli volcaniques. D’autre part, pourquoi les archéologues qui ont enlevé les couches supérieures de Cnossos, d’Hiraklion, etc., n’ont-ils pas signalé des dépôts volcaniques que les fouilles de Pompéi et Herculanum avaient fait connaître ?  Raison simple : le documentaire montre les falaises de Théra et pas celles de Crète, mais oublie de le dire.

On voit d’autre part des archéologues de terrain découvrir des coquilles dans les sédiments. Or, expérience faite, on trouve dans les couches géologiques quantité de fossiles marins, et pour cause puisque les couches calcaires sont d’origine marine, mais on en trouve aussi des quantités dans les restes alimentaires des couches archéologiques : sans parles des huîtres du lac Lucrin près de Naples, je me rappelle avoir fouillé un mètre cube d’huîtres à Melun, à 500 km de la côte la plus proche ; les sédiments enveloppants étaient des sables à galets et cailloutis de la Seine, provenant de crues régulières, et n’avaient rien à voir avec des tsunamis venus de Brest ou de La Rochelle.

Troisième et dernier point : ces archéologues face caméra tripotent des os avec les doigts avant de les enfiler dans des sace en matière plastique, et le commentaire assure que la datation radiocarbone donne telle ou telle époque. Or n’importe quel archéologue sait qu’on tire très peu de radiocarbone analysable de l’os, et surtout que la matière organique vivante (la sueur, la peau) tout comme la matière carbonée fossile (les plastiques dérivés du carbone) polluent les fossile et le rendent incapable de fournir une datation 14C. Franchement, ce n’est pas sérieux.

D’accord, des catastrophes tectoniques ont eu lieu dans l’Antiquité, et la répétition des déluges dans diverses mythologies tant indo-européennes que sémitiques suffit à prouver qu’une catastrophe de ce type a eu lieu sur une vaste superficie ; mais les travaux archéologiques n’ont jamais indiqué qu’une inondation considérable ait eu lieu dans tout le Proche-Orient et dans la Méditerranée orientale au IIIe millénaire. On peut évaluer le désastre provoqué par le Vésuve en 79, parce que les fouilles ont confirmé le récit d’un témoin presque direct, Pline le Jeune, dont l’oncle, Pline l’Ancien, était sur place. Mais pour le déluge de Deucalion, ou celui du Pentateuque, ce sont des mythes, donc des récits considéra-blament amplifiés et exagérés par la tradition orale sur des dizaines de générations.

De même, Platon indique que selon des documents égyptiens récupérés (et sans doute mal traduits) en Égypte, un continent appelé Atlantide aurait été enfoui par les flots – donc par un tsunami, j’en conviens – et qu’une grande civilisation aurait péri dans la catastrophe ; à partir de ce fait envisageable, les mythographes (rappelons que le mythe, en grec, est un récit habile maismensonger) ont fabriqué une légende et rattaché la catastrophe de Santorin au mythe d’Atlas, ancêtre des dieux, qui aurait porté le monde sur ses épaules et dont on situait le cadavre aussi bien en Égypte que dans l’océan que les Grecs redoutaient. Soyons clair : l’Atlantide de Pierre Benoît comme celui d’Edgar Jacobs sont des mythes modernes, et les bouquins pseudo-scientifiques qui veulent situer ce continent perdu quelque part en Méditerranée ou dans la mer des Sargasses sont des élucubrations mythologiques, rien de plus.

À une époque plus rapprochée, les sept rois de Rome sont entièrement mythiques pour les quatre premiers, et les trois suivants n’ont guère plus de réalité historique. Les débuts de la république romaine, à partir de 509, sont partiellement mythiques. Les évangiles relèvent du mythe, presque au même titre que le Pentateuque, l’épopée de Gilgamesh, etc. Les héros et les dieux sont des produits de l’imagination humaine, qui s’appuie souvent sur des faits déformés génération après génération. Et, regardons très près de nous, les mythes de Jeanne d’Arc, de Louis IX, et même de la Révolution française ont été fabriqués par des écrits romanesques qu’il est encore très difficile de contrer avec les archives écrites et authentiques dont on dispose depuis, finalement, moins de vingt siècles en Occident européen, vingt-cinq en Grèce et trente-cinq en Chine ou en Égypte.

Encore a-t-il fallu attendre Champollion (1840) pour lire l’écriture hiéroglyphique ; et des savants très diplômés comme Christian Jacq, de nos jours, s’autorisent encore à romancer une histoire qu’ils connaissent pourtant bien. Il est vrai que le roman se vend mieux en librairie que la thèse d’histoire…

Pour conclure, les fameux documentaires du samedi soir sur Arte, que je regarde le plus souvent possible dans votre intérêt, sont souvent bien documentés, mais dérapent parfois du côté du mythe. Et comme la présentation, avec ce ton pédagogique monotone et ces traductions parfois tendancieuses de l’allemand, de l’anglais et de l’italien (manque de pot pour leurs monteurs, j’arrive à comprendre à peu près la VO dans ces trois langues), ne permet qu’aux spécialistes de distinguer l’authentique du fabriqué, il est inévitable que des idées fausses s’imposent.

Cela dit, il faudrait jeter 90% de la littérature historique, même récente, et c’est pourquoi j’ai préféré depuis quatre ans vous faire travailler sur des BD et des romans qui se revendi-quent explicitement comme des fictions pures. Ce qui n’empêche pas celles qui s’avouent les plus caricaturales de reposer souvent sur une documentation historique solide.

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18 mai 2010 2 18 /05 /mai /2010 20:00

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Steve Berry, L'énigme Alexandrie, Pocket, 2009, 600 pages.

Trois scènes d'action en alternance, parfois d'une page à l'autre, ce qui témoigne d'une technique du thriller mal maîtrisée. Du début à la fin, personne ne sait à qui faire confiance, du simple agent secret retraité divorcé d'une avocate au président des USA, à son vice-président et à son principal ministre, en passant par des tueurs du Mossad et un espion de luxe à la solde d'une puissante organisation secrète d'origine médiévale, dirigée selon un rituel archaïque par les plus grandes fortunes d'Europe occidentale.

Les agents doubles pullulent, le Mossad s'allie à l'Arabie saoudite, des personnages sont tués et ressuscitent, les plus honorables s'avèrent d'horribles fripouilles : assez d'ingrédients pour faire un thriller haletant, mais le résultat est poussif. Heureusement, l'auteur limite les échanges sentimentaux, par exemple entre l'ancien espion, son ex-épouse faussement gaffeuse et son fils qui n'est pas de lui… on redoute que ce roman soit adapté à la télévision étatsunienne !

Le fond serait pourtant intéressant : les Chevaliers de la Toison d'Or veulent destabiliser le Moyen-Orient pour y pousser leurs pions ; le gouvernement américain ne détesterait pas les y aider, pour obtenir une baisse du prix du brut, mais le président est du côté sioniste. En secret, issus du fond des âges, des messagers recrutent tous les quinze ou vingt ans des savants, invités à retrouver la bibliothèque d'Alexandrie. Pourquoi ? parce qu'ils ont sauvé des manuscrits inconnus, dont des bibles en hébreu ancien, langue disparue du temps de l'exil à Babylone ; l'un d'eux, le dernier survivant (tous les autres ont été éliminés par le Mossad), a démontré que les Anciens Testaments authentiques transmis par la Torah et, plus encore, par la bible chrétienne fabriquée par Jérôme, révèlent le véritable pays donné par Yahvé à Abram : il se situe en pleine Arabie, au sud de la Mecque, et si cette vérité était divulguée, les trois religions monothéistes se lanceraient dans une guerre infinie. Dans l'immédiat, quand même, le président des USA va être abattu par Ben Laden à l'instigation de son vice-président, lors d'un voyage secret en Afghanistan…

Selon l'habitude des auteurs américains de thrillers, Berry utilise quelques éléments authentiques (par exemple la fin de carrière de David Ben Gourion, mis sur la touche faute d'être resté suffisamment sioniste, ou encore les thèses d'un nommé Kamal Salibi qui voulait, en 1988, situer la terre d'Abram loin de la Palestine, dans le désert de l'Assir ou, de fait, le gouvernement saoudien a fait détruire des sites archéologiques potentiels). Il invente aussi énormément, ce qui n'est pas fort préoccupant, mais surtout il falsifie beaucoup : par exemple en affirmant que ce qu'il appelle l'hébreu ancien (en fait l'hébreu liturgique) était entièrement perdu au IVe siècle avant l'ère courante, alors que l'araméen en est une version orale bâtarde. Le plus drôle est de redécouvrir un échange de courriers où Saint Augustin incite Saint Jérôme à falsifier sa traduction latine de la bible pour qu'Israël reste en Palestine !

Dan Brown ne fut pas le premier à réviser les textes bibliques pour monter de vastes fresques où s'interpénètrent histoire ancienne et moderne (Didier Convard, avec Le triangle secret, avait devancé le Da Vinci Code), et Pocket en publie à la pelle. Dans le genre, on recommandera Giacometti et Ravenne, qui ont au moins de l'humour et ne souffrent pas de traductions insipides, ou encore Henri Loevenbrück.

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13 mai 2010 4 13 /05 /mai /2010 12:32

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P. 3. Pompéi : plan large sur une ville de fantaisie, avec portiques en enfilade grimpant vers un temple ; statues sur des toits plats ; Alix et Enak dans la riche villa de Fulvius Cator :: statues d'Hercule et de Castor, peintures de 3ème style. Arrive un personnage de dos.

4. C'est Numa Sadulus (latinisation de Numa Sadoul, biographe d'Hergé et de Gotlib). Un personnage important, au pied d'une statue monumentale de Zeus portant une colombe et dressée sur un socle à l'inscription invraisemblable (IXV HOR…. — mais on a bien vu une tombe avec inscription en français dans Le tombeau étrusque !), rappelle à Alix qu'il est ami de César, et une amitié fidèle, précise le héros. C'est Pompée qui évoque en trois images : la reddition de Vercintgétorix, son séjour dansle cachot souterrain de la Mamertine et le triomphe de César… mais César ne peut triompher parce que V. a disparu de sa prison.

5. Arrive V., jeune et farouche (on lui donnerait 18/19 ans comme à Alix).

6. V. casse un énorme vase en traitant Alix de traître. Pompée le convainc de repartir en Gaule avec l'aide d'Alix.

7. Accostage dans une calanque près de Massilia ; paysage sauvage, pêcheurs à moitié nus. V. embrasse le sol de la Gaule ; arrivent des soldats.

8. Les soldats accompagnent les héros ; V. leur prépare une potion qui les endort.

9. Ils vont au ravitaillement dans une ville gallo-romaine ; Galva, ancien compagnon d'Alix et de César, est sur un balcon ; 10. Ils s'enfuient. Plan rapproché : Galva rend compte à César (mais César tenait ses quartiers d'hiver en Cisalpine, côté italien, à  Pise ou à Ravenne)..

11. César charge Galva de retrouver Alix et celui qu'il n'a par identifié comme V. Changement de scène : de nuit, les héros se réfugient dans une grotte peinte (Lascaux est à 500 km, et la grotte Cosquer n'était pas encore connue).

12. Cache-cache avec les patrouilles. Retour sur César ("le consul" alors qu'il est proconsul). Par pigeons voyageurs, il a appris l'évasion de V.

13. Colère de César. V. et ses compagnons arrivent par "d'interminables montagnes parfois recouvertes de neige"  "en Arverne"' (sic ; il faut écrire Arvernie, ou "au pays arverne"), devant la porte d'une ville de hauteur dont le rempart est un murus gallicus. Une jeune fille se précipite vers V.

14. V. retrouve Ollovia, et un fils dont il ignorait l'existence, Edorix ; mais Ollovia a été mariée à Serovax. 15. Le conseil arverne s'en prend violemment à V. : il a laissé mourir les Mandubiens et mené la guerre dans son seul intérêt.

16-17. Fugitifs, les héros sont repérés par un peloton romain mais protégés par les loups (dans Les légions perdues, Alix avait sauvé un loup pris au piège et par la suite ces "braves bêtes" l'avaient protégé à maintes reprises).

18-22. Poursuite dans la neige, chute d'Ollovia et Edorix dans une rivière, les héros sont surpris par des légionnaires armés d'arcs alors qu'ils font sécher leurs vêtements, puis sauvés par une peuplade gau!loise qui les amène dane un gigantesque gouffre.

24. César dans un camp d'hiver (en pierre) ; un Gaulois le renseigne. V. jugé par les Gaulois du cratère.

25. Évocation assez fidèle de la fin du siège d'Alésia, avec les lis et les cippes, si ce n'est que la contrevallation et la circonvallation sont à quelques mètres l'une de l'autre, formant un couloir pour une dizaine de cavaliers de front, alors qu'il y avait plusieurs centaines de mètres, que le site soit Alise ou non (c'est ce qu'écrit César).

26-29. Retour des loups ; changement de paysage : César passe la Saône sur un pont, apparemment du côté de Mâcon et vers la Gaule ccentrale (les monts du Mâconnais sont à peu près reconnaissables ; les héros fuient toujours, suivis par les loups, mais finissent par être ensevelis sous la neige. Arrivée des Romains.

30-31. Les loups les ont traînés à l'abri et les réchauffent. Ils arrivent à une ferme isolée dont la propriétaire est folle et met le feu. Les Romains repèrent la fumée.

32-33. Poursuivis par les Romains, ils traversent une rivière en barque, tombent sur une voiture qu'ils aident à désembourber. C'est le cousin d'Alix, Vanik.

34. Vanik, qui s'est coupé les cheveux et la moustache, est gouverneur d'une province et construit une ville gallo-romaine magnifique (peut-être inspirée par Trèves).

35-38. Arrive Galva, précédant l'armée de César. La poursuite reprend dans la neige… jusqu'à Alésia. V. annonce son destin à Edorix. V. déterre ses armes de parade.

39-40. Alix et V. tentent une conciliation avec César ; fin de non-recevoir.

41. César, malade, examine des plans d'encerclement des ruines d'Alésia : c'est le plan de Napoléon III. Pendant ce temps V. cueille dans la neige des plantes toxiques.

42. César réclame Edorix en otage. V. sait que Serovax est devenu officier de César. Il rappelle comment Achille, après la prise de Troie, a fait tomber d'une tour Astyanax, le fils d'Hector et d'Andromaque. Galva tente une ultime ambassade, tout seul.

43-46. V., torse nu, revêt son casque à cornes et prend son épée, traverse les lignes romaines pour tuer César. Il est tué dans la tente de César.

47-48. Les soldats obligent Edorix à monter sur une tour en bois, mais Ollovia avoue qu'il est fils de Serovax et César finit par l'envoyer en Italie avec Alix et Enak, moyennant qu'il change de nom et s'appelle Edorus… idée calquée sur le sort d'Hermann, devenu Arminius à Rome et reparti ensuite en Germanie pour massacrer les légions de Varus.

Conclusions : une intrigue qui mêle des éléments invraisemblables. Ramener César en Gaule alors qu'il vient de terminer la guerre civile, lui faire assiéger une nouvelle fois Alésia en ruines où il n'y a que cinq personnes, et en plein hiver, tout cela est extrêmement fantaisiste, et comme l'intrigue est trop faible pour occuper 45 planches, Martin a peuplé avec les loups et des aventures dans la neige inspirées du Temple du Soleil d'Hergé (où Haddock se trouve aussi enterré sous une avalanche, qu'il a provoquée en éternuant… là, au moins, c'est du second degré).

Une idée, que reprendra Steven Saylor quelques années après, est l'ambiguïté politique d'Alix : il travaille pour Pompée, et cependant César l'épargne. C'est le fameux thème de la clementia Caesaris, mais traité de manière infantile.

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10 avril 2010 6 10 /04 /avril /2010 18:01

Version:1.0 StartHTML:0000000167 EndHTML:0000019718 StartFragment:0000002647 EndFragment:0000019682 SourceURL:file://localhost/Users/richard/Desktop/Rubicon.doc

Rubicon. Le pitch et quelques pistes.

Contexte : en janvier 49, César, qui n'a plus aucun titre de magistrature, descend avec une seule légion le long de la côte adriatique. Pompée commande une dizaine de légions, partie en Espagne, où il n'a jamais mis les pieds, partie dans le Latium où il les retient, sous prétexte que ce sont des tirones (nouvelles recrues) et qu'il faut les entraîner. Aucun des triumvirs ne peut entrer dans Rome : Crassus a été tué par les Parthes en 52, Pompée et César détiennent tous deux un imperium proconsulaire. César peut se présenter à un deuxième consulat pour 48 et demande au sénat l'autorisation de présenter sa candidature in absentia. Ce que le sénat, dominé par les Claudii et les Caecilii, refuse : César doit se rendre à Rome, donc dépouiller son imperium, et affronter les multiples procès capitaux dont la magistrature le protège.

Bien que César n'ait plus que 9 (ou 10) légions, Rome vit dans la panique de se voir envahie par ses troupes, qu'on dit (en partie à tort seulement) composées de féroces Gaulois et même de Germains.

Les historiens ne parlent pas des difficultés d'approvisionnement, ni d'ailleurs en général de la vie quotidienne, mais Saylor n'a pas eu de mal à imaginer la pénurie sur les marchés. De même, il représente avec beaucoup de vraisemblance le grouillement d'espions qui renseignaient les adversaires et, pourquoi pas, l'avocat Cicéron, homme politique toujours indécis, qui avait prudemment quitté Rome sans savoir auquel des deux se raccrocher.

Devant la panique, Pompée préfère transporter ses légions en Campanie avec les sénateurs de son parti ; il fait occuper Corfinium par Domitius Ahenobarbus, le proconsul qui devait remplacer César en Gaule, et se dirige lui-même vers Brindes dans l'intention de gagner Dyrrachium, sur la côté d'Épire, à un ou deux jours de navigation. Mais César joue plus ou moins la légalité : il envoie Curion et Marcus Antonius négocier avec le sénat, qui rend un avis négatif avant de quitter en majorité la Ville, et au lieu de marcher sur Rome comme l'avait fait Sulla, il longe la côte adriatique où les villes se rallient. Il lui faut pour cela traverser le petit fleuve côtier qui sépare la Gaule cisalpine de l'Italie proprement dite, à 350 km de Rome et 500 de Brindes. Les troupes de Corfinium, assiégée, se rallient à César, qui accorde sa clémence à Domitius, lequel file à Marseille pour occuper son poste en Gaule. Puis César assiège Brindes au moment même où Pompée,qui occupe la ville et le port, fait passer en Grèce d'abord les sénateurs, puis l'essentiel de ses troupes.

Tout cela se déroule en hiver, période où la navigation est incertaine.

Les personnages :

Le personnage central et narrateur des 9 romans de Steven Saylor est Gordianus, un citoyen romain atypique, chargé par Cicéron, puis par Pompée, d'enquêter sur les intrigues de l'époque 65-48. Il côtoie ainsi les principaux agonistes de l'époque : Crassus, Catilina, Clodius et sa sœur Clodia, Cicéron, Milon, Pompée, César, Cléopatre; Marc Antoine, et même ici Vitruve, l'architecte, dont on suppose qu'il fut à la tête des troupes du génie de César.

Au cours de ses aventures, il achète successivement quelques esclaves, d'abord Bethesda, judéo-égyptienne dont il fait son épouse, puis Éco et Méto qu'il affranchit et adopte comme ses fils, après quoi il a une fille, Gordiana dite Diana, qui se laisse séduire par un ancien garde du corps de Pompée, Davus, qui devient donc son gendre légitime, et encore deux gamins, Mopsus et Androclès, esclaves de Clodius, puis Rupa, géant muet, frère de Cassandre qu'il aimera brièvement dans l'épisode suivant (voir le pitch du Jugement de César, à venir).

Les lieux : dans cet épisode, nous passons de la Rome quasi déserte de janvier 49 à Brindes assiégée en traversant la péninsule au milieu de mille périls. Le Palatin joue un rôle central, avec son boulevard circulaire et le raidillon, propice aux embuscades, qui sert de raccourci pour gagner la maison de Cicéron et celle de Gordinaus depuis le forum. Les marchés spécialisés (au poisson, aux légumes, au bétail), les rues et quartiers (des tisserands, des foulons, des cordonniers…) servent dans toute la série de cadre à la vie quotidienne, avec leurs difficultés d'approvisionnement en période de crise.

Le récit :

1. Davus découvre le corps étranglé de Numerius Pompée dans le jardin de son maître.

2. Diana découvre dans une chaussure du cadavre un papier codé qui est une fiche de police sur Gordianus et sa famille.

3. Pompée, furieux, arrive chez Gordianus avec une escorte, et lui reprend Davus. Pacte : Gordianus devra lui livrer le nom de l'assassin de son cousin s'il veut récupérer Davus.

4. Gordianus réussit à voir Cicéron, enfermé chez lui. Tiron, selon ses dires, est resté en Cilicie.

5. G. voit la mère de Numerius.

6. G. repère Tiron déguisé.

7. Tiron se dévoile dans la maison de Cicéron, où l'on ne pénètre plus qu'avec une échelle.

8. Dans une taverne discrète, Tiron révèle un complot contre César et le secret des faux courriers de Cicéron.

9. Visite d'Aemilia, maîtresse de Numerius, enceinte.

10. Perquisition dans le nid d'amour de Numerius.

11. Tiron surprend G. à ce moment.

12. G. et Tiron rejoignent Cicéron à Formies.

13. Nuit de discussion entre eux et Ahenobarbus : tableau de la situation politique.

14. Voyageant vers Brindes, Tiron (sous le déguisement de Soscaridès, esclave de G.) et G. sont faits prisonniers par les Césariens.

15. Antoine les emmène à Brindes.

16. Siège de Brindes : les tactiques en présence. Vitruve.

17. G. retrouve Méto.

18. Entrevue avec César.

19. G. et Tiron arrivent au port.

20. G. rencontre Pompée.

21. G. retrouve Davus. Il exige d'embarquer avec Pompée pour lui dévoiler l'assassin de Numerius, et donne sa bourse à Davus.

22. Pompée, apprenant qui est le meurtrier de son cousin, tente de l'étrangler. G. saute du bateau en feu.

23. Convalescence de G.

24. G. découvre la trahison de Méto.

25. G. reçoit un message de Massalia (Méto qui dévoile le pseudo complot contre César).

Les points d'intérêt :

Comme je l'ai dit, on peut analyser ce roman et tous les autres selon trois axes au moins : la narratologie, la pragmatique et le reflet des réalités historiques, les trois se rejoignant évidemment.

1) La narratologie : le narrateur est aussi le principal acteur, et il échappe de peu à la mort à plusieurs reprises. C'est l'éternel problème des romans écrits à la première personne : on se doute bien que le narrateur a survécu à toutes ses épreuves, et tout l'art consiste à montrer de combien peu il a échappé. L'expérience de Conan Doyle montre combien il est risqué de tuer son héros : sous la pression des lecteurs, il a dû ressusciter Sherlock Holmes, disparu (opportunément) dans une chute en montagne en même temps que son éternel ennemi Moriarty. D'ailleurs quelques milliers d'Anglais sont encore convaincus que Sherlock Holmes est un personnage historique ! De nos jours, on laisserait le dénouement en suspens et on demanderait aux lecteurs de voter par internet pour savoir lequel ils veulent voir survivre. Procédère que je vous invite à découvrir dans mon Vézelay brûle, qui devrait paraître en juin.

2) La pragmatique : c'est, rappelons-le, dans cette perspective de la littérature populaire, surtout l'étude des moyens qui vont retenir le lecteur sur plusieurs volumes. Saylor crée une galerie de personnages qui évolue (Éco, par exemple, disparaît à peu près, Bethesda disparaîtra ensuite de manière définitive, Méto sera éloigné puis retrouvé, etc.). La detective story classique, façon Agatha Christie, même le polar façon Dashiel Hammett ou James Hadley Chase, peine à fidéliser le lecteur avec des personnages à la fois récurrents et renouvelés, et suffisamment variés. Ce que Saylor a puisé dans la littérature des années beatnik et hippie est l'intérêt de mettre en scène des marginaux : esclaves rachetés, pater familias atypique ; voir par exemple Richard Boyd. Les personnages authentiques, par opposition, doivent être à peu près fidèles à leur légende. Mais justement, Tiron en espion déguisé, qui est le vrai meneur de l'intrigue, espion à la solde de Pompée face à l'imaginaire Méto, au rôle ambigu, devient un personnage de roman qu'il n'a jamais dû être dans la réalité (ajoutons que Saylor efface l'ambiguïté de ses relations avec Cicéron pour les transférer sur celles de Méto avec César, dont l'ambivalence sexuelle est légendaire).

3) Les aspects réalistes historiques : les biographies ± romancées paraissent bien fades à côté de ces réalisations romanesques puissantes, et curieusement ce sont souvent les fictions pures qui reflètent le mieux la réalité historique. Les Américains, qui s'entourent de spécialistes et font tout vérifier par les agents littéraires, ont une érudition très sûre sur laquelle ils brodent sans invraisemblance. Sur l'état de Rome en janvier 49, le siège de Corfinium et l'embarquement de Brindes, on ne constatera aucune contradiction avec le livre I du BC. Mais combien de précisions vraisemblables (la disette à Rome, les difficultés des raccourcis à travers les montagnes apuliennes, les pièges creusés en travers des rues…) sont empruntées à Plutarque, à Vitruve, au pseudo-Hygin et à tant d'autres.

Les personnages historiques mis en œuvre (comme des ingrédients dans une recette de cuisine) sont valorisés par diverses épices : chacun sait par exemple combien Cicéron a hésité à rejoindre Pompée en 49, Shakespeare en avait déjà parlé ; on sait aussi que lui, Pompée, Crassus ou César avaient des fiches sur tout ce qui comptait à Rome et dans les provinces, mais il fallait imaginer que les notes tironiennes (qui étaient en fait une sorte de sténo) pussent servir de codage, Suétone ne précisant pas quel système de codage César utilisait.

Conclusion :

Il existe un vrai travail de recherche à effectuer sur cette littérature, en privilégiant le cas échéant l'un des points de vue évoqués ci-dessus. L'historien rigoureux s'ingéniera à trouver des invraisemblances, le fruit d'une imagination débridée, voire des contrevérités intolérables. Les points de vue littéraires évitent une recherche lourde dans les documents antiques, mais elle n'en est pas moins souhaitable car, si l'on a largement écrit sur San-Antonio ou sur Astérix, il manque encore des études universitaires sur les polars antiques, qui ont quand même déjà une trentaine d'années d'existence sous leur forme actuelle.

. Et non protagonistes : dans la tragédie grecque, il n'y a que trois acteurs, le protagoniste, le deutéragoniste et le tritagoniste. Parler de protagonistes au pluriel est une absurdité, surtout quand les journalistes télévisuels illettrés les qualifient de "principaux".

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10 avril 2010 6 10 /04 /avril /2010 18:00

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Rubicon. Le pitch et quelques pistes.

Contexte : en janvier 49, César, qui n'a plus aucun titre de magistrature, descend avec une seule légion le long de la côte adriatique. Pompée commande une dizaine de légions, partie en Espagne, où il n'a jamais mis les pieds, partie dans le Latium où il les retient, sous prétexte que ce sont des tirones (nouvelles recrues) et qu'il faut les entraîner. Aucun des triumvirs ne peut entrer dans Rome : Crassus a été tué par les Parthes en 52, Pompée et César détiennent tous deux un imperium proconsulaire. César peut se présenter à un deuxième consulat pour 48 et demande au sénat l'autorisation de présenter sa candidature in absentia. Ce que le sénat, dominé par les Claudii et les Caecilii, refuse : César doit se rendre à Rome, donc dépouiller son imperium, et affronter les multiples procès capitaux dont la magistrature le protège.

Bien que César n'ait plus que 9 (ou 10) légions, Rome vit dans la panique de se voir envahie par ses troupes, qu'on dit (en partie à tort seulement) composées de féroces Gaulois et même de Germains.

Les historiens ne parlent pas des difficultés d'approvisionnement, ni d'ailleurs en général de la vie quotidienne, mais Saylor n'a pas eu de mal à imaginer la pénurie sur les marchés. De même, il représente avec beaucoup de vraisemblance le grouillement d'espions qui renseignaient les adversaires et, pourquoi pas, l'avocat Cicéron, homme politique toujours indécis, qui avait prudemment quitté Rome sans savoir auquel des deux se raccrocher.

Devant la panique, Pompée préfère transporter ses légions en Campanie avec les sénateurs de son parti ; il fait occuper Corfinium par Domitius Ahenobarbus, le proconsul qui devait remplacer César en Gaule, et se dirige lui-même vers Brindes dans l'intention de gagner Dyrrachium, sur la côté d'Épire, à un ou deux jours de navigation. Mais César joue plus ou moins la légalité : il envoie Curion et Marcus Antonius négocier avec le sénat, qui rend un avis négatif avant de quitter en majorité la Ville, et au lieu de marcher sur Rome comme l'avait fait Sulla, il longe la côte adriatique où les villes se rallient. Il lui faut pour cela traverser le petit fleuve côtier qui sépare la Gaule cisalpine de l'Italie proprement dite, à 350 km de Rome et 500 de Brindes. Les troupes de Corfinium, assiégée, se rallient à César, qui accorde sa clémence à Domitius, lequel file à Marseille pour occuper son poste en Gaule. Puis César assiège Brindes au moment même où Pompée,qui occupe la ville et le port, fait passer en Grèce d'abord les sénateurs, puis l'essentiel de ses troupes.

Tout cela se déroule en hiver, période où la navigation est incertaine.

Les personnages :

Le personnage central et narrateur des 9 romans de Steven Saylor est Gordianus, un citoyen romain atypique, chargé par Cicéron, puis par Pompée, d'enquêter sur les intrigues de l'époque 65-48. Il côtoie ainsi les principaux agonistes de l'époque : Crassus, Catilina, Clodius et sa sœur Clodia, Cicéron, Milon, Pompée, César, Cléopatre; Marc Antoine, et même ici Vitruve, l'architecte, dont on suppose qu'il fut à la tête des troupes du génie de César.

Au cours de ses aventures, il achète successivement quelques esclaves, d'abord Bethesda, judéo-égyptienne dont il fait son épouse, puis Éco et Méto qu'il affranchit et adopte comme ses fils, après quoi il a une fille, Gordiana dite Diana, qui se laisse séduire par un ancien garde du corps de Pompée, Davus, qui devient donc son gendre légitime, et encore deux gamins, Mopsus et Androclès, esclaves de Clodius, puis Rupa, géant muet, frère de Cassandre qu'il aimera brièvement dans l'épisode suivant (voir le pitch du Jugement de César, à venir).

Les lieux : dans cet épisode, nous passons de la Rome quasi déserte de janvier 49 à Brindes assiégée en traversant la péninsule au milieu de mille périls. Le Palatin joue un rôle central, avec son boulevard circulaire et le raidillon, propice aux embuscades, qui sert de raccourci pour gagner la maison de Cicéron et celle de Gordinaus depuis le forum. Les marchés spécialisés (au poisson, aux légumes, au bétail), les rues et quartiers (des tisserands, des foulons, des cordonniers…) servent dans toute la série de cadre à la vie quotidienne, avec leurs difficultés d'approvisionnement en période de crise.

Le récit :

1. Davus découvre le corps étranglé de Numerius Pompée dans le jardin de son maître.

2. Diana découvre dans une chaussure du cadavre un papier codé qui est une fiche de police sur Gordianus et sa famille.

3. Pompée, furieux, arrive chez Gordianus avec une escorte, et lui reprend Davus. Pacte : Gordianus devra lui livrer le nom de l'assassin de son cousin s'il veut récupérer Davus.

4. Gordianus réussit à voir Cicéron, enfermé chez lui. Tiron, selon ses dires, est resté en Cilicie.

5. G. voit la mère de Numerius.

6. G. repère Tiron déguisé.

7. Tiron se dévoile dans la maison de Cicéron, où l'on ne pénètre plus qu'avec une échelle.

8. Dans une taverne discrète, Tiron révèle un complot contre César et le secret des faux courriers de Cicéron.

9. Visite d'Aemilia, maîtresse de Numerius, enceinte.

10. Perquisition dans le nid d'amour de Numerius.

11. Tiron surprend G. à ce moment.

12. G. et Tiron rejoignent Cicéron à Formies.

13. Nuit de discussion entre eux et Ahenobarbus : tableau de la situation politique.

14. Voyageant vers Brindes, Tiron (sous le déguisement de Soscaridès, esclave de G.) et G. sont faits prisonniers par les Césariens.

15. Antoine les emmène à Brindes.

16. Siège de Brindes : les tactiques en présence. Vitruve.

17. G. retrouve Méto.

18. Entrevue avec César.

19. G. et Tiron arrivent au port.

20. G. rencontre Pompée.

21. G. retrouve Davus. Il exige d'embarquer avec Pompée pour lui dévoiler l'assassin de Numerius, et donne sa bourse à Davus.

22. Pompée, apprenant qui est le meurtrier de son cousin, tente de l'étrangler. G. saute du bateau en feu.

23. Convalescence de G.

24. G. découvre la trahison de Méto.

25. G. reçoit un message de Massalia (Méto qui dévoile le pseudo complot contre César).

Les points d'intérêt :

Comme je l'ai dit, on peut analyser ce roman et tous les autres selon trois axes au moins : la narratologie, la pragmatique et le reflet des réalités historiques, les trois se rejoignant évidemment.

1) La narratologie : le narrateur est aussi le principal acteur, et il échappe de peu à la mort à plusieurs reprises. C'est l'éternel problème des romans écrits à la première personne : on se doute bien que le narrateur a survécu à toutes ses épreuves, et tout l'art consiste à montrer de combien peu il a échappé. L'expérience de Conan Doyle montre combien il est risqué de tuer son héros : sous la pression des lecteurs, il a dû ressusciter Sherlock Holmes, disparu (opportunément) dans une chute en montagne en même temps que son éternel ennemi Moriarty. D'ailleurs quelques milliers d'Anglais sont encore convaincus que Sherlock Holmes est un personnage historique ! De nos jours, on laisserait le dénouement en suspens et on demanderait aux lecteurs de voter par internet pour savoir lequel ils veulent voir survivre. Procédère que je vous invite à découvrir dans mon Vézelay brûle, qui devrait paraître en juin.

2) La pragmatique : c'est, rappelons-le, dans cette perspective de la littérature populaire, surtout l'étude des moyens qui vont retenir le lecteur sur plusieurs volumes. Saylor crée une galerie de personnages qui évolue (Éco, par exemple, disparaît à peu près, Bethesda disparaîtra ensuite de manière définitive, Méto sera éloigné puis retrouvé, etc.). La detective story classique, façon Agatha Christie, même le polar façon Dashiel Hammett ou James Hadley Chase, peine à fidéliser le lecteur avec des personnages à la fois récurrents et renouvelés, et suffisamment variés. Ce que Saylor a puisé dans la littérature des années beatnik et hippie est l'intérêt de mettre en scène des marginaux : esclaves rachetés, pater familias atypique ; voir par exemple Richard Boyd. Les personnages authentiques, par opposition, doivent être à peu près fidèles à leur légende. Mais justement, Tiron en espion déguisé, qui est le vrai meneur de l'intrigue, espion à la solde de Pompée face à l'imaginaire Méto, au rôle ambigu, devient un personnage de roman qu'il n'a jamais dû être dans la réalité (ajoutons que Saylor efface l'ambiguïté de ses relations avec Cicéron pour les transférer sur celles de Méto avec César, dont l'ambivalence sexuelle est légendaire).

3) Les aspects réalistes historiques : les biographies ± romancées paraissent bien fades à côté de ces réalisations romanesques puissantes, et curieusement ce sont souvent les fictions pures qui reflètent le mieux la réalité historique. Les Américains, qui s'entourent de spécialistes et font tout vérifier par les agents littéraires, ont une érudition très sûre sur laquelle ils brodent sans invraisemblance. Sur l'état de Rome en janvier 49, le siège de Corfinium et l'embarquement de Brindes, on ne constatera aucune contradiction avec le livre I du BC. Mais combien de précisions vraisemblables (la disette à Rome, les difficultés des raccourcis à travers les montagnes apuliennes, les pièges creusés en travers des rues…) sont empruntées à Plutarque, à Vitruve, au pseudo-Hygin et à tant d'autres.

Les personnages historiques mis en œuvre (comme des ingrédients dans une recette de cuisine) sont valorisés par diverses épices : chacun sait par exemple combien Cicéron a hésité à rejoindre Pompée en 49, Shakespeare en avait déjà parlé ; on sait aussi que lui, Pompée, Crassus ou César avaient des fiches sur tout ce qui comptait à Rome et dans les provinces, mais il fallait imaginer que les notes tironiennes (qui étaient en fait une sorte de sténo) pussent servir de codage, Suétone ne précisant pas quel système de codage César utilisait.

Conclusion :

Il existe un vrai travail de recherche à effectuer sur cette littérature, en privilégiant le cas échéant l'un des points de vue évoqués ci-dessus. L'historien rigoureux s'ingéniera à trouver des invraisemblances, le fruit d'une imagination débridée, voire des contrevérités intolérables. Les points de vue littéraires évitent une recherche lourde dans les documents antiques, mais elle n'en est pas moins souhaitable car, si l'on a largement écrit sur San-Antonio ou sur Astérix, il manque encore des études universitaires sur les polars antiques, qui ont quand même déjà une trentaine d'années d'existence sous leur forme actuelle.

. Et non protagonistes : dans la tragédie grecque, il n'y a que trois acteurs, le protagoniste, le deutéragoniste et le tritagoniste. Parler de protagonistes au pluriel est une absurdité, surtout quand les journalistes télévisuels illettrés les qualifient de "principaux".

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10 avril 2010 6 10 /04 /avril /2010 18:00

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L2/L4/04/LA

Le Borgne, le Manchot.

Bien que vous ayez l'air ou fassiez semblant de connaître Dumézil, j'ai vérifié que certains profs de terminale n'en ont au mieux qu'une vague idée. Il vaut donc mieux reprendre les choses au départ.

Georges Dumézil (1896-1986) s'inscrit dans la lignée des savants comparatistes qui ont travaillé sur les continuités symboliques entre différentes civilisations, notamment indo-européennes. Il n'en est pas le découvreur, puisque les relations linguistiques entre langues d'origine i.-e. avaient déjà été mises en lumière par l'érudition allemande de la seconde moitié du XIXe siècle, précisées par Ferdinand de Saussure, puis la continuité des relations familiales et sociales par Émile Benveniste (1902-1976).  Les analyses de Dumézil ont été sans cesse retouchées, revues, corrigées, certaines hypothèses abandonnées, beaucoup d'autres affinées, et il demeure étonnant que des universitaires dogmatiques, surtout mais pas uniquement italiens, demeurent réticents à ces théories simplement parce qu'elles relativisent le discours historiographique antique, dont nous savons pourtant bien la fragilité (voir sur ce point, au tout début d'une recherche Google sur <Georges Dumézil>, l'importante mise au point de Jacques Poucet).

De même qu'on savait depuis longtemps que les langues romanes, du portugais au roumain en passant par le ladin du Tyrol italien, le français et l'italien, le corse, le sarde, les occitans… (et même l'anglais dont les 2/3 du lexique sont empruntés au français) dérivent toutes du latin plus ou moins altéré, les linguistes du milieu du XIXe siècle ont établi que les groupes linguistiques celtique, germanique, slave, indo-iranien, dérivent d'une langue néolithique, voire plus ancienne, dont les représentants les plus archaïques seraient des langues sacrées, sanskrit en Inde, avestique en Iran (je simplifie énormément).

On doit à Dumézil et à quelques autres d'avoir relevé des éléments d'organisation sociale, de symbolique religieuse, communs à ce vaste ensemble indo-européen.

Dans le cas qui nous occupe, Dumézil a consacré un chapitre de Mitra-Varuna à deux personnages de la mythologie scandinave, le dieu borgne Oøinn et le dieu manchot Tyrr, qu'il compare aux héros pseudo-historiques romains, rappelés par Tite-Live, Denys d'Halicarnasse, Plutarque et Polybe : Horatius Cocles, le Borgne, et Mucius Scaeuola, le Manchot.

Le cas de Cocles est le plus simple : qu'il soit borgne avant le combat ou qu'il le devienne à sa suite, l'essentiel est qu'il paralyse les ennemis, très supérieurs en nombre, par une grimace et des gesticulations. La grimace est celle de Lug dans la légende irlandaise des Tuatha dê Danann, mais aussi de son adversaire (et aïeul) Balar au regard qui transperce. C'est aussi (puisqu'on explique que Balar avait eu un œil fermé par les vapeurs d'une cuisson magique) un élément de la légende de Caeculus, le fondateur de Préneste. Et encore la grimace de la Gorgone qui figurait sur les antéfixes des temples grecs et étrusques à la fin du VIe siècle, l'umbo de certains boucliers, la proue des navires, et qui détournait le mal (figure apotropaïque) en paralysant l'ennemi. Enfin Cocles est l'adaptation latine des Cyclopes, qui avaient un œil unique en forme de soucoupe, et apparaissent dans l'Odyssée homérique avec, en plus, le gigantisme qu'ils partagent avec le brigand Cacus ("le mauvais", en grec) que rencontre Hercule dans le Latium.

Il y a d'autres éléments communs entre les légendes latines, scandinaves et irlandaise, c'est que le héros effectue de grands gestes et une déambulation pour mieux terroriser l'adversaire, mais refusent le combat régulier. C'est par ce biais que Mucius, semblable à Tyrr et à Nuada, l'autre chef des Tuatha dê Danaan, rejoint son compère : faux combat, faux serment. Nuada utilise un artifice juridique contre les Fomôre pour obtenir une paix de compromis, mais il y perd un bras ; Tyrr réussit à enchaîner le jeune loup Fenrîr avec un lien magique, mais pour le convaincre de se laisser lier, il doit laisser sa main dans la gueule du loup ; enfin Mucius devient manchot (scaeua, ou scaeuos) en "mettant sa main au feu", littéralement, pour faire croire à Porsenna que 300 autres jeunes patriciens romains sont prêts à le remplacer pour le tuer, obtenant ainsi la paix de compromis et la retraite du roi.

Dumézil n'a pas parlé de la Gorgone ni de Caeculus, ce qui prouve que sa méthodologie est toujours ouverte et attend encore des confirmations. Il est un troisième élément qu'il n'a pas mentionné, c'est que Lug et Nuada sont les deux chefs de la tribu des Tuatha dê Danaan, et Cocles et Scaeuola apparaissent comme ceux du populus de Rome. Or la touta en celte et le populus en latin représentent tous deux le peuple armé.

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10 mars 2010 3 10 /03 /mars /2010 20:17
Je résume rapidement, parce qu'une étudiante absente me l'a demandé, les principales lignes du cours de lundi 8 mars. En fait, tout est dans le recueil de textes et d'images, mais pour le cas où le sujet de partiel portait sur ce règne, voici quelques pistes.

– Tarquin le Superbe, plus exactement le tyran, est évidemment une construction mythique, mais qui reflète assurément une domination étrusque (d'une dynastie tarquinienne, ou cérite si l'on se rappelle que les tarchna n'ont laissé de traces épigraphiques qu'à Cerveteri) qui a profité de l'essor économique de la seconde moitié du VIe siècle pour agrandir Rome, tête de pont du commerce de l'Étrurie côtière vers la Campanie.

– Un fait historique mal compris par Tite-Live et ses sources est que les dirigeants de Rome ont entamé une domination sur le Latium jusqu'aux monts albains, tandis que Romulus aurait orienté ses razzias plutôt vers la Sabine. Il s'agit, en fait, de sécuriser la voie qui passe à l'ouest des monts albains, la future Latina, grâce à une politique d'alliances (Tarquin prend Octavius Mamilius de Tusculum pour gendre) et, éventuellement, de conquêtes (Collatia, Gabii, Ardée, Aricie). C'est cohérent. En revanche, la partie orientale du Latium (Préneste, Tibur, Velletri) échappe toujours à Rome, qui ne la réduira pas avant 338, soit pas loin de 200 ans plus tard. Et il est impossible qu'à cette époque Tarquin ait fondé des colonies à Circeii et Segni : trop loin, sous domination volsque ou hernique.
Mais l'orientation latiale des entreprises des Tarquins (l'Ancien avait commencé) est très plausible. Le détail, évidemment, est douteux : les mêmes cités seront reprises plusieurs fois au siècle suivant.

– Les dimensions du temple capitolin, inauguré en 509 (ce fait est authentique), en font le plus grand de l'Italie, et aussi le plus orné. Retour sur la projection de photos du cours précédent : le style ionisant des antéfixes (ornements des tuiles de bordure) et de la statuaire (en général disposée sur le faîte des toits, comme au Portonaccio à Veii) est universel dans l'Étrurie méridionale et le Latium entre 550 et 480, mais il y a une communauté de style entre Rome et Veii, alors que les temples de Satricum, Tusculum, Marino, sont d'un style plus fruste. Rappel : il s'agit d'un style développé par les Grecs d'Asie mineure au début du VIe siècle et propagé dans tout le monde méditerranéen non barbare, dont les korai et kouroi de l'Acropole d'Athènes sont les exemples les plus aboutis ; on peut aller voir au Louvre le Cavalier Rampin, si l'on n'a pas le loisir d'aller à Athènes… Les sarcophages des Époux, de Cerveteri, l'Apollon de Veii, en sont les exemples étrusques les plus connus ; les Étrusques travaillant la terre cuite et non le marbre, les résultats sont évidemment différents. Le fameux "sourire étrusque" dont parlait Stendhal est un sourire ionien, et n'a rien d'original. Dernier point sur la statuaire, Pline l'Ancien († 79 ap. J.-C.) dit que l'architecte du temple capitolin était Vulca de Veii, ce qui pose la question : est-ce que cette "grande Rome des Tarquins" était soumise à Veii pendant ces années, ou autonome et assez puissante pour payer un artiste véien renommé ? La plupart de mes collègues penchent pour cette dernière hypothèse.

– La tyrannie : à certains égards, Tarquin II représente le prototype du tyran issu de Denys de Syracuse : malhonnête, menteur, jaloux, envieux, immoral, violent… Sa femme passe sur le corps de son propre père, il lui refuse la sépulture, il fait décapiter l'aristocratie d'Ardée après avoir décapité celle de Rome, exécute par ruse le délégué latin Turnus Herdonius, etc. Mais il n'est pas non plus un popularis comme César, puisqu'il emploie la plèbe à des travaux serviles et ne la favorise guère (son fils Sextus partage toutefois le butin de ses razzias avec sa plèbe à lui, celle de Gabii). Mais beaucoup des traits tyranniques attribués à Tarquin sont empruntés à des dictateurs romains historiques, Sulla (82 : il établit les proscriptions pour faire mourir ses adversaires et récupérer leur fortune) et César.

– Le châtiment de l'impiété : les derniers chapitres du livre I racontent le suicide de Lucrèce, violée par Sextus Tarquin à la suite d'une série de chevauchées assez invraisemblable. Le schéma, tragique et romanesque, est classique et se retrouvera, plus tard, avec la mort de Virginie : les démocrates promènent le poignard ensanglanté, soulèvent la population et suscitent une révolution. Pour beaucoup de collègues, c'est une simple révolution de palais, un changement de dynaste comparable à celui qui a vu Mastarna tuer et remplacer Cnaeus Tarquin sur les fresques de la tombe François. Je suis à peu près d'accord : la partie soulèvement populaire a sans doute été fabriquée à partir de celui, plus vraisemblable, qui a eu lieu en 450 et dont le récit part de la mort de Virginie. Mais bon, d'une manière générale, la trame vient des tragiques grecs.

– Le personnage de Brutus : celui-ci a été fabriqué par l'histoire gentilice à la fin du IIIe siècle, quand les Iunii Bruti ont accédé au consulat. Il était évidemment difficile de porter un pareil sobriquet ("la grosse brute") quand on entrait dans la nobilitas ! On a donc inventé ce personnage, victime dans sa famille de l'arbitraire du tyran, qui avait décidé de se faire passer pour un abruti, mais qui offrit à Apollon une baguette d'or dissimulée dans un bâton de cornouiller, et qui interpréta mieux que les fils Tarquin l'oracle de Delphes.

Pour prendre un peu d'avance sur le cours du 15 (début du fascicule vert) : la légende officielle, c'est que Brutus chasse les Tarquins, fait jurer au peuple qu'il n'acceptera plus de roi, crée le consulat et l'exerce avec Lucretius, le père de Lucrèce ; puis Lucretius meurt de vieillesse, et Brutus, après avoir condamné à mort ses propres fils qui avaient comploté pour restaurer les Tarquins, meurt au combat. Horatius et Valerius composent le second couple de consul de l'année 509. Cette reconstitution vient, selon Raymond Bloch, des annales familiales des Valerii et des Horatii, et vise à masquer le fait que le temple capitolin, tête symbolique de la puissance romaine (voir l'épisode de la tête humaine retrouvée intacte dans les fondations, au ch. 55), avait réellement été non seulement construit, mais inauguré, sous pouvoir étrusque. Voici les deux principaux éléments du raisonnement de Raymond Bloch :
1. Les listes de consuls, telles que les rapporte Tite-Live, comportent toujours un nom étrusque et un Fabius jusqu'en 480. D'autre part, il n'y a aucune trace de diminution de l'influence étrusque à Rome jusqu'à cette date, l'importation de vases étrusques et grecs, les dédicaces de temples, ne ralentissant en fait qu'après une grave défaite navale étrusque en 474. Suit une période de déclin économique qui concerne à la fois l'Étrurie côtière et le Latium, et que les fouilles confirment.
2. Le temple capitolin a été reconstruit après un incendie et inauguré à nouveau en 304, par un Horatius qui était consul avec un Valerius. Or il existait un rite qui consistait à planter tous les ans un clou dans le linteau du temple, ce qui permettait de connaître sa date précise de première inauguration : 509. Conclusion : l'historiographie romaine a fabriqué l'histoire de Brutus, Horatius et Valerius de 509 pour dissimuler l'origine étrusque, donc allogène, de la première inauguration.
3. (c'est moi qui ajoute, car Bloch n'en a pas parlé). Les premiers couples de consuls comportent presque toujours un Étrusque et un Fabius ; or les Fabii étaient notoirement liés à l'Étrurie. On peut donc penser à une sorte de gouvernement bicéphale, étrusco-latin, pendant la période 509-480 ; moins si l'on suppose que Porsenna, malgré l'historiographie, a occupé Rome pendant quelque temps après 509. Je vous donnerai davantage de précision le moment venu, car mes listes de consuls sont sur un autre ordinateur que je n'ai pas envie d'allumer ce soir.
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10 mars 2010 3 10 /03 /mars /2010 19:21
On insiste surtout sur la conformité des récits aux événements historiques et celle des images aux réalités architecturales, aux coutumes, etc., dans la perspective de la licence 1 qui est d'ouvrir aux étudiants des fenêtres sur l'Antiquité. Mais ce seul aspect n'est pas suffisant en premier cycle, et à plus forte raison au niveau recherche (M2) où je traite le même domaine.

Pour survoler ce premier point, comparons par exemple La Bourgogne, quelle histoire !, publié par le CRDP de Bourgogne et le Conseil Régional ; le retour d'Alix en Gaule dans Vercingétorix ; et Le combat des chefs de Goscinny et Uderzo. Dans le premier, comme dans les vieux manuels scolaires, on dessine des reconstitutions de la circonvallation d'Alesia et des remparts d'Autun, et on déclare que les Romains ont apporté la civilisation ; dans le deuxième, un personnage dit à Alix que les Romains ont rendu la vie en Gaule plus agréable, pendant son exil et on dessine très précisément des architectures de villas fleuries ; dans le troisième, les architectures sont sommaires, symboliques, mais on oppose la vie simple des Gaulois (chaumières et vie publique répartie dans des espaces divers, en particulier devant l'étal du poissonnier ; vs. colonnes approximatives du chef collaborationniste du village d'à côté, qui veut faire romain).

L'iconographie se veut dans le premier cas documentaire, dans le deuxième réaliste et dans le troisième évocatrice, sans souci de précision. On notera toutefois que le palais de César est figuré à l'identique dans deux volumes d'Astérix. Cela n'est pas innocent : les albums de BD sont sous-tendus par deux idéologies opposées, l'une qui veut que les Romains soient des civilisateurs, l'autre que la spontanéité gauloise soit préférable à la normalisation totalitaire de Rome. Si l'on pense que la première BD est issue du dogmatisme universitaire et régionaliste, la seconde du conformisme de l'école d'Hergé, bien-pensante et proche des éditions catholiques pour la jeunesse Bayard, et la troisième des milieux littéraires et cinématographiques qui vantaient la Résistance aux envahisseurs (cp. La vache et le prisonnier, La traversée de Paris, La grande vadrouille et tout le cinéma français d'après-guerre), on s'aperçoit qu'il y a dans tous les cas un sous-entendu idéologique.

Cela signifie qu'il faut également interpréter les BD comme les romans en fonction de la pragmatique. Ce terme désigne, chez les collègues de langue et de littérature françaises, l'analyse des œuvres littéraires selon l'effet qu'elles produisent sur le lecteur. En ce sens, la pragmatique comporte d'un côté l'influence idéologique que veut emporter l'œuvre littéraire, qui relève aussi de la rhétorique. Dans son autre aspect, elle rejoint la narratologie : comment retenir le lecteur, le faire revenir chaque semaine sur une BD publiée en feuilleton, ou l'inciter à acheter le volume suivant d'une série de récits historiques, polars ou albums de BD ?

La construction dramatique des albums d'Alix relève exactement de la même technique que les feuilletons d'Alexandre Dumas, Eugène Sue, Paul Féval et autres : les chapitres sont courts (puisque publiés dans un quotidien ou un hebdomadaire) et se terminent par un suspens (les énormes points d'interrogation qui terminent chaque page d'Alix) ; c'est également la technique du thriller anglo-saxon, où Dan Brown est passé maître, mais aussi Patricia Cornwell, Peter Connolly et bien d'autres : le thriller ajoute la technique de la pluralité de caméras subjectives ou, si l'on préfère, de points de vue. Cette technique a été créée par Dumas dans Joseph Balsamo et largement pillée par Christian Jacq.

Quand il s'agit de fidéliser un lecteur sur une série de parutions, on va créer des personnages récurrents qui évitent la lassitude : OSS 117 (Jean Bruce), Malko Linge (SAS), même Nestor Burma (Léo Malet) et les tout premiers San-Antonio n'incitent pas à y revenir, sauf à multiplier les complots de la guerre froide chez l'un, les scènes érotico-sadiques chez le deuxième, les références à l'anarchisme militant chez le troisième. Si Frédéric Dard s'en est tiré mieux que les autres au point de susciter plusieurs thèses, en plus de son succès populaire, c'est qu'il a su créer très vite des anti-héros complémentaires, Alexandre-Benoît Bérurier, César-Auguste Pinaud, Achille le chef de la police érotomane, Monsieur Blanc le balayeur noir promu enquêteur… C'est un mode de connivence entre l'auteur et le lecteur, ravi de retrouver à côté du héros impeccable des personnages qui gaffent, qui se lamentent, qui sont grossiers. Dans la même lignée, moins immédiat à analyser puisqu'il parle d'un domaine mal connu du grand public, Steven Saylor invente une famille hétéroclite sans laquelle son enquêteur n'aurait pas la même consistance. Héros et anti-héros : Davus ne sait pas nager, mais Pompée l'oblige à naviguer, et il se retrouve à l'eau dans le port de Brundisium…

Un autre élément qui attire le public est la familiarité avec les grands hommes de l'histoire : beaucoup de contemporains frétilleront toute leur vie en rappelant qu'ils ont serré la main à Chirac (ou à Mitterrant, ou à Sarkozy, peu importe) ; les grands hommes dans leur quotidien sont un bon argument de vente. De ce point de vue, il y a d'excellents sujets de recherche comme les rapports de César avec : Astérix, Gordianus, Alix, Pierre Grimal ou Max Gallo. Ou une étude transversale sur Cléopatre, dont des auteurs très pontifiants parlent comme s'ils avaient interviewé ses petites culottes, et d'autres (plus estimables) avec beaucoup d'ironie.

Un troisième élément, qui relève aussi de la pragmatique autant que de la narratologie, est le gag récurrent : il est évident qu'ici l'on est dans une autre sorte de connivence, celle qui lie les meilleurs auteurs de BD à leurs lecteurs : les gaffes à répétition de Gaston (Franquin), les chutes du chef de son pavois et les différentes manières de couler le bateau des pirates (Goscinny-Uderzo)… ce qui relève de la même technique que les chapelets d'injures du capitaine Haddock, des chutes des Dupondt, des rots de Bérurier et des rires niais de Miss Moneypenny.

Un étudiant me reprochait cet après-midi de dévaloriser indécemment les études classiques : selon lui, nous sommes à la fac pour faire lire Virgile et Cicéron. Je veux bien, mais ne croyez-vous pas que la littérature populaire est une bonne voie d'accès à une littérature classique qui n'est plus, et ne peut plus être décemment, enseignée dans les lycées ?
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9 mars 2010 2 09 /03 /mars /2010 14:08
Ce mardi 9 mars à 13 h 30, Patrice Gélinet a interviewé (enfin, diffusé une émission enregistrée) mon ami et collègue Alexandre Grandazzi.

Je diffuse tout de suite l'information, parce que vous pouvez réécouter (peut-être même enregistrer, je veux dire podcaster…) l'émission pendant sept jours, sur le site <franceinter.com>. Elle ne manque pas d'intérêt pour tous ceux qui s'intéressent à la période royale.

Précisons tout de suite, pour disculper mon collègue, que l'enregistrement est remonté à l'aide de logiciels que je connais pour en avoir été souvent victime sur Bleu-Auxerre, et que par exemple un extrait de peplum où Romulus offre carrément le pouvoir à Numa Pompilius ("Lève-toi, c'est la dernière fois que tu reçois un ordre, puisque tu es roi à partir de ce jour" dans la logorrhée typique de ce genre cinématographique) n'aurait suscité aucune réaction de mon collègue, qui a forcément objecté que Romulus avait d'abord disparu, enlevé par les Dieux ou tué par les sénateurs, et que selon Tite-Live il y a eu un interrègne à l'issue duquel Numa a été choisi par le sénat et élu par le peuple. Je suppose soit qu'Alexandre n'a pas jugé digne de répondre à cette ânerie, soit plus vraisemblablement qu'il a été "coupé au montage".
En revanche, toutes ses observations sur l'étendue et le caractère défensif du Palatin, sur l'ancienneté du drainage du Forum (trois générations avant Tarquin l'Ancien), sur la via Salaria, et, en fin d'émission, sur la fonction de la louve comme prédateur devenu protecteur des gardiens de troupeaux, sont pertinentes. Évidemment, étant moins étruscophile que moi, il biaise un peu le propos, mais avec une information sûre.
Il mentionne également – notez cela pour une éventuelle question de partiel le 17 mai – que les Anciens citent des Constitutions de Servius qui seraient à l'origine de la république oligarchique. J'ai oublié de citer cette légende issue de Varron et probablement d'un pamphlet de l'époque de César, mais qu'on retrouve dans la brève mention de Tite-Live que Servius, en fin de carrière, aurait songé à établir la république : de fait, la constitution de l'armée hoplitique et l'organisation civique sur cette base sont bien le fondement du régime républicain, et je vous ai dit à maintes reprises que Servius, ce roi non-tyran, est bien à l'origine des institutions républicaines. Mais il était bien dans l'ère du temps des érudits de fabriquer de pseudo-textes antiques, et Tite-Live était assez cultivé pour ne pas citer celui-là (il fut en revanche bien naïf en transcrivant un pamphlet d'époque césarienne à propos de la condamnation de Scipion l'Africain, mais c'est une autre histoire).
En revanche, il m'a semblé que l'entretien partait un peu en vrille sur la fin, mais on le doit sans aucun doute au montage : l'interviewer simplifiant pour le grand public en attribuant une historicité aux sept rois, utilisant l'indicatif quand un scientifique mettrait le conditionnel, on finit par croire que l'atrium souterrain exploré par sonde photographique sous le Palatin en 2007, décoré de coquillages et de mosaïques à la manière augustéenne, est la grotte du Lupercal où Romulus et Rémus ont été allaités ; et par ce raccourci, alors qu'à 13 h 35 mon collège dit bien que Romulus est pure légende, le discours du journaliste finit par retourner la problématique et à rendre le personnage historique.
De même, le fait que Carandini ait exploré dans les années 60 quelques mètres linéraires d'une enceinte qui semblerait antérieure à celle de Servius, présenté sans aucune précaution scientifique, finit par faire croire à 13 h 57 que Romulus a existé.

Les gens qui montent ces émissions, ces pseudo-documentaires, sont habiles à faire dire aux érudits, à force de coupures, ce qu'eux-mêmes veulent faire entendre. C'est tellement plus simple que d'exposer des arguments contradictoires et que d'expliquer la stratigraphie des textes historiographiques !
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