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13 octobre 2014 1 13 /10 /octobre /2014 19:33

Je vous ai déjà dit du bien de la chaîne arte, qui diffuse des documentaires souvent plutôt bons en histoire et archéologie. L'horaire usuel était autrefois le samedi soir, maintenant c'est tous les jours vers 16 heures.

Comme il y a beaucoup de redif, ne vous inquiétez pas si vous manquez un épisode : il y a toutes les chances qu'il repasse huit jours plus tard, voire moins.

J'ai noté ces temps-ci une série consacrée à Stonehenge et à son environnement. Elle ressert les constatations établies depuis deux siècles sur l'orientation astronomique (l'axe du site vise d'un côté le lever du soleil au solstice d'été, de l'autre son coucher au solstice d'hiver… c'est une évidence. Remarquons que Stonehenge fait mieux que la basilique de Vézelay, qui ne marche que d'un côté : à midi le 21 juin, le soleil trace un "chemin de lumière" depuis le chœur vers le portail ; attention, le solstice peut être le 22 ou le 23 et midi = 14 heures, à cause du décalage entre heure officielle et heure astronomique (à quelques minutes près, Vézelay étant à 200 km à l'est du méridien de Greenwich).

Mais au-delà de ces banalités, on voit passer quelques nouveautés (± relatives) :

– la découverte de nombreuses inhumations sur le site même ; on identifie 240 individus, hommes, femmes et enfants, ce qui est peu pour un demi-millénaire : d'où l'idée à venir d'une aristocratie restreinte ;

– au moins un village à l'est du site ;

– un cromlech de bois (Woodhenge à Durrington) qui serait une sépulture collective aristocratique, au bord du fleuve Avon ;

– un immense dépôt de nourriture suggérant des banquets collectifs liés aux processions sur le Causeway ou cursus, qu'on voit parfaitement depuis le site.

Une statistique de la population résultant des fouilles par rapport au nombre d'hommes calculé dans la perspective d'apporter sur place et de disposer les pierres suggère que tous ces dispositifs (banquet, procession, inhumations) étaient le privilège d'une aristocratie : ce qui n'est pas étonnant, le néolithique et le Bronze ancien/moyen sont marqués par ce phénomène de séparation entre une classe privilégiée et une masse asservie ; selon les auteurs, celle-ci aurait été incinérée, et les restes jetés dans l'Avon. Cela se vérifie sur le continent.

Il et à regretter que les documentaires ne mentionnent pas souvent la chronologie absolue : l'érection du cromlech avec ses trois couronnes est quand même l'affaire d'un bon millénaire ! La société ne peut pas avoir été statique pendant tout ce temps.

À regretter aussi que le site d'Avebury, tout proche, ne soit pas mentionné (je crois l'avoir entr'aperçu vu d'hélico, deux secondes seulement) ; c'est un village entièrement bâti à l'intérieur d'un cromlech et d'un énorme fossé, à une quinzaine de miles au NW.

Deux assertions m'ont également surpris : l'idée que le Causeway soit une frontière, et que son origine soit géologique et non anthropique

Cela, de toute façon, ne remplace pas une visite sur place : la plaine de Salisbury est pleine de reliefs de plus de 3 000 ans d'ancienneté, et à Stonehenge comme à Avebury (s'ils existent encore) deux petits musées privés montrent, entre autres, des dessins humoristiques du XIXe, l'un par exemple figurant le cromlech comme une cage à archéoptéryx !

Signalons pour finir une expérimentation intéressante, proche de celle qui avait été menée à La Roche aux Fées (Deux-Sèvres) dans les années 80 : transporter un menhir de 14 tonnes (les  blue stones) ou de 200 tonnes (les trilithes), sur 40 km pour les uns, 400 pour les autres (de mon temps on se contentait de 150, ce qui est déjà beaucoup). Or un archéologue expérimental (l'Angleterre est pionnière dans ce domaine) a étudié des boules de granit de 72 mm de diamètre, polies et ornées, qui passaient pour ornementales, et les a utilisées dans des glissières en bois : les néolithiques avaient inventé le roulement à billes ! C'est assez convaincant, en terrain bien plat, mais pour les minéraux venus de Cornouaille il vaut mieux garder l'ancienne idée d'un transport par radeaux.

Comme souvent, une partie du commentaire dévie vers l'idéologie : ces sociétés (dont ici on ignore la longue durée) sont tout simplement les premiers Anglais ! ils font fondre le cuivre à 2 000°, ce qui ne peut être que magique ! Faux : déjà, on parle d'une période où le Channel se traversait à pied, et les porteurs des Bell Beakers ou gobelets en cloche existent aussi sur le continent ; quant au cuivre, à la fin du néolithique, il était martelé, tout comme l'or, à partir de pépites. Ce n'est qu'à partir du moment où l'on y a mêlé de l'étain qu'il a bien fallu le fondre, et à 1 300°, cela suffisait et n'avait rien de magique.

(À suivre)

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