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25 décembre 2010 6 25 /12 /décembre /2010 18:19

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Jean-Pierre Néraudau, Le prince posthume suivi de Les fils d’Arachnè, Les Belles-Lettres, 2000, 365 pages.

 

Mon collègue est connu pour ses travaux sur Ovide, sur l’architecture princière, sur la jeunesse à Rome, parus pour l’essentiel aux PUF et aux Belles-Lettres. Nous nous sommes rapidement croisés quand j’étais en début de carrière, puis il a fait son chemin vers Reims puis Aix-Marseille.

J’ai donc découvert un peu par hasard qu’il avait aussi commis des « romans d’énigmes », Les louves du Palatin en 1988 et le présent volume, achevé peu de temps avant sa mort et dont les dernières pages portent la marque d’une disparition attendue.

Le second de ces romans met en scène une dizaine d’universitaires et proches, réunis dans une somptueuse villa au bord du lac Majeur pour un congrès. La plus belle du groupe, Émilie, est retrouvée à la fois noyée, étranglée et empoisonnée le soir même de l’arrivée ; retrouvée, peut-être tuée, par celui qui serait son amant, qui a projeté un roman historique sur la période qu’étudie précisément l’empereur de la réunion, professeur à la Sorbonne en attente d’être élu à l’Institut… Les personnages s’appellent Alexandre, Augustin, Octave, Claude, Roxane, et l’on voit vite que les rapports familiaux cachés sont aussi compliqués que ceux de la famille d’Auguste. L’intrigue est menée comme chez Agatha Christie : personnages en milieu clos, même l’Hercule Poirot local faisant partie de la famille ; haines et jalousies recuites, amours enfouies dans des mémoires infidèles, métamorphoses continuelles de personnages pris dans les fils d’une trame, celle des deux canevas qu’exécutent et défont deux sœurs. Le fil d’Arachnè est celui du destin, plus emmêlé que celui des Parques, mais un segment du conflit se place au centre d’un labyrinthe, dont un héros détient aussi le fil d’Ariane… et il est aussi le fils caché d’un autre. Et non seulement le roman repose sur des séries de termes à double ou triple entente, mais en plus il est à clés, et extrêmement critique envers le milieu universitaire.

Il renvoie, un peu en miroir, au précédent qui figure en tête du même volume. Celui-ci part de l’idée que le dernier petit-fils d’Auguste, Agrippa Postumus (ainsi nommé parce qu’il était né après la mort de son père, l’ami et gendre d’Auguste) ne soit pas mort en exil, assassiné, le même jour que le prince, mais qu’on lui ait substitué un esclave nommé Clemens, qui lui ressemblait assez pour permettre la confusion. Agrippa, ou un jeune homme qui prétend l’être (mais qui a des souvenirs d’enfance impossibles à inventer), arrive donc dans Subure la deuxième année du règne de Tibère. Tacite a relaté brièvement l’épisode sans se prononcer sur l’authenticité de l’héritier, qui apparaît pendant les Saturnales de l’an 16 et meurt à la fin de ces fêtes, où les esclaves et les maîtres échangent leurs rôles. L’auteur profite habilement de la circonstance pour peindre un personnage schizophrène, qui ne sait pas s’il est Clemens ou Agrippa, une belle Corinne qui est en fait (peut-être) sa cousine Aemilia, et un prince, Tibère, ses ministres Scribonius, Sallustius Crispus et le bourreau Polyphème, d’une cruauté cynique et paranoïaque.

Le pouvoir rend fou, et le pouvoir absolu rend absolument fou, dit le dicton populaire. Tacite et Suétone dépeignent les quatre empereurs julio-claudiens comme des dingues absolus, dont le délire paranoïaque était accru par la consanguinité et par l’influence d’entourages pernicieux : une sorte de saga façon Rougon-Macquart dont ces auteurs, soucieux de flatter la dynastie flavienne qui les avait pourvus de postes importants, ont mis en relief les pires aspects. Les romans saisissants de Néraudau dérangent en ce qu’ils intériorisent la folie, les dédoublements de personnalité, et les situent dans une ambiance kafkaïenne, indiquant en outre que les petits monarques universitaires n’échappent pas à la règle. C’est assurément, je n’en dirai pas autant des auteurs anglo-saxons que je vous recommande, de la vraie, de la grande littérature.

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22 décembre 2010 3 22 /12 /décembre /2010 16:14

Aryanne de Guillou, Terence et Smit, éd. Himalaya, 9 volumes.

 

Je mentionne parfois cette BD de mémoire, mais après avoir relu les 7 volumes que j'en possède (et dont les derniers étaient soldés à 10 F), je m'aperçois qu'elle n'est historique qu'en ce qu'elle a sombré en 1993 avec un neuvième volume intitulé La cité de la Science, repéré sur Amazon.com. Les volumes se vendent à 18 € sur la toile et n'ont pas l'air d'intéresser beaucoup de monde…

 

De quoi s'agit-il ? Ce n'est pas de l'histoire ancienne : on part d'un mariage diplomatique entre Aryanne de Thul et Guise d'Atlantis, qui devrait souder un empire universel (on reconaît les mythes de l'Atlantide et de Thulé). Mais d'affreux jaloux font capoter (si j'ose dire) le mariage, dont un beau-frère nommé Tarkis (pauvres Étrusques, mis à toutes les sauces !), et au moment de consommer l'union Guise absorbe une potion magique qui le plonge dans une léthargie éternelle. Aryanne prend le même poison, et tous deux sont inhumés dans une tombe où président Anubis et Osiris. Puis un pirate échoue sur une côte quelconque, découvre la tombe, viole la Belle dans la Tombe Dormant, et elle se réveille parce que la dose n'était pas assez forte.

Aryanne et Daho vont parcourir le monde à la recherche de l'antidote pour Guise ; ils rencontrent ainsi des Égyptiens, des Mayas, des Lapons néolithiques, vont jusqu'en Rhodésie par la côte est de l'Afrique avant de remonter jusqu'en Islande où la cité de Thul est toujours debout, mais réduite à une oasis volcanique et entourée de glace, dirigée par un tyran concupiscent ; celui-ci finira tué par les néolithiques, je vous rassure.

C'est bien la tradition de Jacques Martin qui est à l'œuvre dans cette série : aventures dans des environnements hostiles mais toujours renouvelés, sans aucun souci de vraisemblance (et avec quelques contradictions dans le récit même), incendies, noyades, geysers, gouffres, volcans, cataractes, cités isolées… les ingrédients de Tintin, sans le talent et l'exactitude d'Hergé. L'image est surchargée, les textes écrits au début en caractères minuscules, et toutes les 3/4 pages on termine sur une image à suspense qui laisse attendre "le" coup de théâtre. C'est techniquement mal dominé et surtout dépourvu de toute espèce d'intérêt historique.

Ce qui agace le plus est que chaque situation amène de jolies filles à exhiber leurs seins et leurs fesses, et à se plonger dans des piscines pour y rechercher des plaisirs souvent homosexuels. C'est mignon, mais lassant à la longue. L'étrotisme alterne évidemment (on a lu Bataille, ou l'on en a entendu parler) avec la violence, et le sang coule généreusement aussi.

J'ai trouvé que les derniers épisodes étaient un peu plus sobres, le trait épuré, les dialogues un peu réduits (mais toujours avec des fautes de français). N'ayant pas trouvé le tome 9 à la médiathèque locale et me souciant peu de le chercher sur la toile, j'ignorerai longtemps ou toujours si Guise et Aryanne finissent leur nuit de noces… et d'ailleurs peu me chaut.

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16 novembre 2010 2 16 /11 /novembre /2010 19:38

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La collection « grands détectives »

 

Ceci n’est pas une publicité. Il se trouve que j’ai dû, pour poser un parquet, déplacer quelques centaines de volumes au format poche, et qu’en attendant un nouveau rangement les 10/18 restent les plus accessibles. Je compléterai plus tard avec les grands auteurs de thrillers de chez Pocket et du Livre de Poche.

Voyez aussi, pour d’autres œuvres romanesques concernant l’Antiquité, les pages intitulées 02 ou L2/L4/02 sur ce blog.

L’un des ressorts qui font l’intérêt (donc les ventes) des œuvres romanesques à destination du grand public est l’exotisme. Exotisme dans le temps comme dans l’espace. J’ai tenté d’expliquer voici deux semaines que les romans et films sur le Far-West, puis les detective stories façon Agatha Christie, les romans noirs qui ont fait le succès du Masque (Chase, Chandler…), la partie space opera de la « science-fiction », sont des filons qui se sont épuisés pour avoir été trop pillés. Jean-Claude Zylberstein a eu le mérite de découvrir des écrivains qui, utilisant ou non les techniques du thriller (lesquelles, rappelons-le, remontent à Alexandre Dumas, Eugène Sue, Michel Zévaco…), situent les aventures dans un contexte exotique. La bande dessinée, de Tintin à Murena en passant par le génial Hugo Pratt ou Druillet, obéit à la même exigence avec des contraintes accrues.

Je vous livre ici, rapidement, un inventaire incomplet des auteurs de la série « Grands détectives ». Je suis un plan basique (il serait trop difficile de faire passer un tableau sur le blog) : auteur, localisation spatio/temporelle, type de détective, détails.

 

Danila Comastri Montanari. Rome et Italie, époque de Néron. P. Aurelius Statius, patricien épicurien, son amie Pomponia, son serviteur Castor. Assassinats plus ou moins politiques.

Anne de Leseleuc. Marcus Aper, avocat cité par Tacite, et son fidèle esclave Nestor. Gaule et Italie, époque de Trajan.

Paul Doherty. Amerotkè, juge principal de Thèbes. Égypte, époque d’Hatchepsout, premier femme pharaon. Intrigues de cour sanglantes.

Paul Doherty. Série Alexandre le Grand. Cour d’Alexandre et conquête de la Perse. Margaret Doody. Attique, IVe siècle. Aristote mêlé à diverses intrigues.

Anton Gill. Huy, scribe. Égypte, époque de Tout-ank’Âmon. Très attentif aux textes rituels. Kerry Greenwood. Australie, années 20. Phryne Fisher, pilote d’avion et de voiture, mondaine et nymphomane.

Lauren Haney. XVIIIe dynastie d’Égypte. Bak, chef de la police des déserts.

Claude Izner (pseudo de deux bouquinistes parisiennes). Victor Legris, libraire dans le VIe, son grouillot Joseph Pignot, son associé/gendre japonais et sa fille peintre. Paris à l’époque d’Anatole France et de Zola.

Lilian Jackson Brown. Province anglaise. Jim Qwilleran, journaliste et héritier d’une grosse fortune. Ce sont ses chats qui lui donnent la solution des énigmes.

H. Kemelmann. Boston. Rabbi David Small. Intrigues dans la communauté juive des USA.

David Liss. Amsterdam au XVIIIe siècle. Coups de bourse autour de l’importation du café.

Alexander McCall Smith. Botswana actuel. Mma Ramotswe, cuisinière et policière d’occasion.

John Maddox Roberts. Rome pendant les guerres civiles. D. Caecilius Metellus, cadet d’une grande famille. Toutes les intrigues de la fin de la république.

Ngaio Marsh. Angleterre des années 50. Roderick Alleyn, dandy.

Magdalen Nabb. Carabiniere Guarnaccia. Florence, après-guerre.

Iain Pears. Italie et Europe modernes. Autour du trafic des œuvres d’art.

Anne Perry. Londres à l’époque victorienne. William Monk, chef d’une brigade fluviale. Atmosphère glauque des bas-quartiers. 15 volumes traduits ; je ne connais pas la série précédente de 24 volumes Charlotte et Thomas Pitt, qui d’après les titres concerne aussi Londres.

Ellis Peters. Angleterre médiévale. Frère Cadfael. Peters a également écrit ïDeath Mask, autour d’un meurtre motivé par la découverte d’un riche tombeau mycénien.

 Guillaume Prévost. L’assassin et le prophète. Palestine et Judée, 6 ap. J.-C. Philon d’Alexandrie dans sa jeunesse. Conflits et incompréhension entre Romains et Juifs.

Steven Saylor. Gordianus, personnage atypique lié à Cicéron, César, Pompée…

Peter Tremayne. L’Irlande en cours de christianisation au VIIe siècle. Sœur Fidelma, fille de roi, moniale et juriste, et Frère Eadulf, tenant de l’église romaine. Meurtres dans des monastères, menaçant le royaume, et épilogue juridique.

Arthur Upfield. Australie. Napoléon Bonaparte dit Bony, aborigène, flic officiel. Meurtres rituels dans le contexte d’une civilisation menacée.

Robert Van Gulik. Chine médiévale. Le juge Ti.

Et encore, j’ai oublié l’inévitable G. K. Chesterton, qui est à un autre étage, mais qu’il faut absolument lire… en anglais de préférence.

 

 

 

 

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10 septembre 2010 5 10 /09 /septembre /2010 19:04

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LC02 : l’Atlantide

 

Il faut tout ignorer de la Grèce ancienne pour prêter foi aux deux notules de Platon sur le sujet, et pourtant il fait un « buzz » depuis le début du XXe siècle.

Les Grecs sont les meilleurs créateurs de mythes ; qu’est-ce exactement qu’un mythe ? Un mensonge, mais un beau mensonge qui aide à vivre. Les dieux de la mythologie grecque, justement, sont des êtres comme nous, qui mangent, boivent, font l’amour, sont jaloux, se font la guerre, mais ce ne sont pas eux qui y meurent : quand Héra (Junon en latin) se ffâche avec Zeus (Jupiter) qui la trompe avec toutes les belles mortelles qu’il voit passer, elle envoie des tempêtes terribles dont sont victimes les navigateurs, par exemple Ulysse et ses compagnons.

La mythologie sert aussi à expliquer la création du monde ; si les stoïciens admettent une pensée immatérielle (le νοῦϛ, ou « esprit », que Cicéron traduit carrément par deus, que les Hébreux appellent הוהי, Voltaire le Grand Horloger, les francs-maçons le Grand Architecte de l’Univers et les cosmologistes à la mode Big Bang), la majorité ne voyait pas plus loin que des Titans, des Géants, un Atlas, monté sur une tortue de belle taille, qui porte le monde sur ses épaules…

Platon est le seul auteur antique qui parle d’une ville de belle taille, nommée Atlantis, dont l’existence aurait été révélée à Saïs, en Égypte, par un prêtre au législateur Solon. Cette ville aurait été très anciennement détruite par les dieux par l’intermédiaire d’une catastrtophe climatique, éruption volcanique, raz-de-marée, tsunami…

Répétons-le, ce n’est qu’un mythe, placé sous la garantie de Solon qui est vers 580 le fondateur de l’État athénien, mais dont la finalité est morale : il s’agit, thème à la mode à l’époque de Platon (voyez les tirades d’Euripide contre l’orgueil surhumain ou ὕϐρις), d’avertir les hommes que la richesse et la puissance sont provisoires.

Malgré cela, de plus ou moins savants ont rivalisé d’imagination pour situer l’île mystérieuse (ou le continent) un peu partout : dans les Caraïbes, en mer de Chine, au large du Japon, en plein Mexique (les Atlantes seraient les ancêtres des Mayas), dans l’Antarctique, en Irlande, en Auvergne… sans trop se préoccuper si les sites avaient pu être émergés il y a quelque 11.000 ans. On trouvera un beau florilège de ces âneries (dont j’excepte tout juste un film de la 5) par n’importe quel moteur de recherche, au milieu de vidéos sur le déluge, les OVNI, etc.

Les hypothèses les moins farfelues évoquent la faille volcanique de la mer Égée et supposent que l’Atlantide était soit Corcyre, soit la Crète, dont la civilisation minoënne semblait avoir disparu d’un seul coup, suite à un tsunami. Bloqués par cette idée, les archéologues grecs n’ont pas trop tenté de découvrir les survivances entre le minoën (vers 1500) et l’archaïsme grec (vers 900). Le problème demeure qu’à suivre Platon, l’Atlantide aurait précédé le minoën et le mycénien de huit millénaires et appartiendrait donc au paléolithique final, ou aux tout débuts du néolithique.

David Gibbins, qui est parfois mieux inspiré, a soulevé une hypothèse dont la base scientifique (climatologie et archéologie) paraît de prime abord un peu sérieuse : la Méditerranée fut à sec pendant les temps géologiques, puis se remplit après la dernière glaciation et déborda sur la mer Noire, qui était auparavant un lac d’eau douce alimenté par le Don et le Dniepr. Les héros y découvrent un cône volcanique immergé, avec une ville immense, des exploitations agricoles, une salle de conseil et des temples à l’intérieur du volcan… le tout sous le symbole du taureau, symbole minoën du pouvoir divin, que l’auteur interprète astucieusement comme la divinisation d’un double cône volcanique… Le bouquin s’appelle Atlantis et a été publié par Pocket en 2008.

Les héros sont bien entendu beaux, inusables et très savants ; très riches aussi : ils disposent d’une technologie pointue, vedettes, sous-marins, scaphandres résistant à des profondeurs incroyables, hélicos, etc. Bien entendu, ils sont en butte aux entreprises d’un hideux seigneur de guerre abkhaze, un vrai méchant dont on apprend que l’héroïne est la fille… Il y a beaucoup de morts, des tortures, des immersions prolongées au-delà du vraisemblable, quelques torpilles et missiles, du laser, bref les ingrédients usuels des thrillers de guerre scientifique façon Clive Cussler.

Les personnages sont malheureusement des pédants à la Jules Verne qui bavardent à l’infini sur leurs hypothèses, et c’est là que le roman devient imbuvable : les Atlantes ont évacué leur île-continent en bon ordre, chaque groupe mené par un prêtre et pourvu d’une clé en or massif qui n’est autre qu’une copie du disque de Phaistos (un artefact de terre cuite comportant des lignes alphabétiques et d’autres en idéogrammes, qu’on n’a toujours pas « déchiffré ») ; à l’occasion, le disque de Phaistos possède un jumeau qui permet de le lire, et sa copie en or ouvre tout simplement la porte du volcan sous-marin…

Au passage, les personnages s’interrogent sur l’origine des pyramides, des dieux grecs, sur le déluge et sur la technologie en général. Il y avait, vers — 10.000 donc, des ferronniers (sic) qui forgeaient non pas le fer, mais le bronze. Or la technique du bronze n’apparaît que vers 4.000 : on imagine donc que les Atlantes ont gardé le secret et que les peuplades acculturées par eux, celles du néolithique, reproduisent en silex et obsidienne des outils de bronze. Puis on redécouvre le secret des alliages métalliques fondus… C’est absurde, bien sûr : les préhistoriens sérieux (dont je me flatte de faire partie) constatent au Proche-Orient vers 5000 et en Europe vers 2500 une transition néolithique/Bronze ancien où d’un côté on utilise toujours des armatures de flèches en silex, qui sont taillées, de l’autre des haches polies d’apparat en roches vertes que reproduisent vaille que vaille les plus anciens exemplaires de bronze.

Bien sûr, il n’y a pas de mouvements massifs et brutaux de populations, mais une acculturation progressive aux nouvelles techniques : céramique, élevage, agriculture, métallurgie, écriture, mégalithes et villes (dans un ordre chronologique qui peut varier d’une région à l’autre, et le tout en cinq millénaires). Et c’est là que je pousse un cri d’alarme, à partir de la p. 143.

La sublime Katya développe un discours pédagogique pour élèves de maternelle, selon lequel « dans toute l’Europe, en Russie, au Moyen-Orient, dans le sous-continent indien, la plupart des langues parlées aujourd’hui ont la même origine.

– L’indo-européen, intervint Costas.

– Une langue ancienne, dont beaucoup de linguistes pensaient déjà qu’elle provenait de la région de la mer Noire. Nous pouvons en reconstruire le vocabulaire à partir des mots que les langues ultérieures ont en commun, comme pitar en sanscrit, pater en latin, Vater en allemand, à l’origine de father, en anglais.

– Existe-t-il des termes d’agriculture ? demanda Costas.

– Le vocabulaire montre que les Indo-Européens labouraient la terre, portaient des vêtements en laine et travaillaient le cuir. Ils avaient des animaux domestiques, notamment des bœufs, des porcs et des moutons. Ils avaient une structure sociale complexe et différents niveaux de ressources. Ils rendaient un culte à une grande déesse mère. »

Jusque-là, rien qui diffère trop des théories scientifiques, si ce n’est qu’on place le centre de diffusion de la langue-mère indo-européenne (inconnue en tradition directe et reconstituée en très petite partie par les linguistes) largement plus à l’est. Il n’est pas absolument déterminé en revanche que le système linguistique et les structures de parenté soient directement liés au néolithique et à la sédentarisation agricole : les peuples se sont mis à écrire bien trop tard pour qu’on puisse l’affirmer, et par exemple les Vénètes d’Italie écrivent une langue italique, clairement indo-européenne, à partir du Ve siècle seulement, quand le néolithique et le Bronze sont bien loin derrière eux.

P. 283, je commence à me fâcher pour de bon : les héros plongeurs découvrent un autel avec des rigoles qui portent des traces de sang et attribuent tout de suite les sacrifices humains aux proto-sémites, avec une allusion à Abraham et Isaac. Certes, les Minoens sacrifiaient aussi des humains, mais uniquement en cas de catastrophe climatique, selon un exemple de Cnossos. Mais ce qui est sous-entendu est que, si les populations du Proche-Orient sont originaires de l’Atlantide, il y en a de bonnes et de mauvaises : les races blanches en général d’un côté, les sémites de l’autre. Par ailleurs (p. 367) l’épouvantable Aslan, l’abkhaze sanguinaire, est un descendant des Huns, des « khans de la Horde d’or », et de surcroît rend hommage à Allah. Enfonçons le coin, p. 469 : « Ces personnages [représentés sur les statues de l’Atlantide] me rappellent les Varègues, dit Katya. C’est le nom byzantin des ,Vikings qui sont venus jusqu’à la mer Noire par le Dniepr. Dans la cathédrale sainte-Sophie de Kiev, il y a des peintures murales représentant de grands hommes semblables à ceux-ci, si ce n’est qu’ils ont le nez recourbé et les cheveux blonds. » […] « Ils sont tous là, affirma Dillen à voix basse. Les Indo-Européens, les premiers Caucasiens. De ces êtres descendent presque tous les peuples d’Europe et d’Asie. Les Égyptiens, les Sémites, les Grecs, les bâtisseurs de mégalithes d’Europe occidentale, les premiers souvenrains de Mohenjà-Daro, dans la vallée de l’Indus. Dans certaines régions, ils se sont totalement substitués aux populations d’origine et, dans d’autres, ils se sont métissés. »

Le propos est-il assez clair ? Tous les hommes blancs descendent de ces Ur-Menschen, géants et inventeurs, que sont les Atlantes, les plus purs étant grands et blonds ; d’autres anciens Atlantes, abâtardis, se sont fondus dans des races impures : les sémites (juifs et arabes, donc) ; et il reste autour des barbares absolus, les mongols et, bien qu’on n’en parle pas, les Africains. Voilà qui pue très fort : on se rappellera que dans l’Allemagne de l’après-guerre sévissait un prétendu ordre de Thulé selon lequel la seule race pure, les Aryens, s’était préservée dans le grand Nord et en Allemagne, incarnée par un nommé Adolf Hitler. Tous les autres sont des sous-hommes, des Untermenschen, qu’il convient d’exterminer pour restaurer la domination aryenne… 

Certaines des vidéos minables que j’ai regardées sur le web reprennent, moins subtilement que Gibbins (qui dissimule quand même mal son racisme), cette idéologie nazie. Il n’est pas surprenant que l’Atlantide, pour beaucoup, se situe près du pôle Nord. Ici, les idéologies racistes, antisémites, sont masquées dans un discours logorrhéique qui leur a probablement permis d’échapper au comité de lecture de la maison Pocket, mais il est impossible de ne pas souligner le lien entre la figuration des héros (grands, beaux, athlétiques, déterminés), les propos racistes qu’ils développent au détour du récit, et la résurgence de groupes néo-nazis aux États-Unis et dans nombre de pays d’Europe.

Nous n’aurons normalement pas l’occasion de parler de cela dans le cadre du programme de 02, mais il est bon de se rappeler que les Grecs et les Romains n’étaient pas exempts de racisme non plus : il y avait eux, les bons, et tous les autres, les barbares (= ceux qui parlaient une langue aussi incompréhensible que les cris des oiseaux) – parmi lesquels les Celtes, les Bretons, les Illyriens, les Germains, tout aussi indo-européens qu’eux !

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19 août 2010 4 19 /08 /août /2010 19:07

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Claude Merle, Vercingétorix, Bayard jeunesse (2010, 220 pages, 12 €).

L’auteur a commis une quarantaine de récits « historiques » pour la jeunesse : Spartacus, Alexandre, Lancelot…). Comme le dit le préfacier, il s’agit de « reconstituer, à la lumière des plus récentes découvertes archéologiques, la vie de Vercingétorix, depuis l’exécution de son père jusqu’à sa propre mort, non moins tragique, dans la prison de Tullianum. Il est écrit comme un roman. Mais l’Histoire n’est-elle pas le plus passionnant des romans ? » De fait c’est du roman, et rien d’autre : l’histoire y est aussi maltraitée que la géographie.

Je vous ai prévenus maintes fois contre la littérature pour la jeunesse comme contre celle qui vise le public des seniors inactifs, dont le style est ce qu’il est, et le mépris des données scientifiques la règle.

Déjà la carte qui figure en frontispice doit alerter : Vix n’est pas sur la Seine, la Saône n’existe pas, il n’y a plus de confluent à Lyon, Armançon est une ville sur la carte et dans le texte une rivière qui coule au nord des Séquanes (en fait : qui sépare les Lingons des Éduens).

Les têtes de chapitres portent des dates au jour près, qui sortent de l’imagination de l’auteur : César se gardant bien, et pour cause, de donner la moindre précision.

Au passage, on découvre un « empereur » nommé Domitius (imperator, je suppose, Domitius Ahenobarbus qui a été proconsul en Narbonnaise en 59) ; une école druidique à Rudève (Rodez ?) ; une salle commune creusée dans le roc sur un mètre de profondeur dans le basalte arverne ; des Germains en plein Massif Central en 64 ; un sénateur Galba, « devenu magistrat suprême » en 64 et donc « exempté de service militaire » ; un Licinius qui tue Dumnorix et qui est maître de cavalerie alors qu’il n’y a pas de dictateur ; César à Rome en hiver 53-52, alors que, proconsul, il ne pouvait sortir de Gaule et tenait ses quartiers d’hiver du côté de Pise ou de Ravenne ; un Pompée qui « a toutes les chances de devenir consul unique » alors qu’il l’a déjà été en 55 ; les remparts de Gergovie ornés des crânes des centurions (décoration qu’on ne connaît qu’à Entremont !) ; Lyon fondée en 52 (elle ne le sera qu’en 43) ; un oppidum d’Alésia qui est « vaste », alors que l’auteur parle d’Alise Sainte Reine ; une via Lacta qui est peut-être la via triumphalis… 

Il y a bien d’autres approximations, mais aussi des informations sérieuses : par exemple, ce qui n’a été démontré que dans les années 70, la technique de fabrication des épées par feuilletage d’acier doux et d’acier dur (en fait, par carburation à chaud de lames de fer battues avec d’autres non carburées) ; l’idée que César fuyait vers Lyon (qui n’existait pas, mais s’il visait l’Île Crémieu, ce n’est pas bien loin de Saint-Exupéry, autrefois Satolas…) ; mais on retombe là sur l’absence de la Saône dans la géographie sommaire de l’ouvrage.

Espère-t-on former les élèves du primaire à l’histoire en leur racontant des histoires qui n’ont ni queue ni tête ? Mieux vaudrait leur faire lire Astérix : au moins, Goscinny ne prétend pas à l’exactitude historique !

. Rappelons, c’est élémentaire, que les magistrats dans leur province étaient forcément chefs d’armée…

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26 juillet 2010 1 26 /07 /juillet /2010 18:57

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Norbert Rouland, ethnologue, universitaire, journaliste et romancier.

 

Norbert Rouland est l’auteur d’un excellent ouvrage, publié chez Actes-Sud en 1981 et réédité depuis en format poche : Rome, démocratie impossible ? Juriste et ethnologue, il a soutenu une thèse sur la dépendance personnelle dont il a tiré deux ouvrages dans la collection Latomus (Université libre de Bruxelles, une garantie de sérieux), l’un sur l’esclavage, l’autre sur la clientèle. Il a aussi publié deux ouvrages sur les Inuit aux presses de l’Université Laval de Québec.

C’est par hasard que j’ai découvert le romancier. Il est modeste et ne se vante pas de cet autre aspect de ses multiples talents. Pourtant, c’est lui qui établit les principes d’un « nouveau roman historique » dès 1984, en réaction à Mika Waltari, Sienkiewicz et tant d’autres pour qui l’Antiquité n’est qu’un cadre métaphorique et exotique où ils placent des intrigues allogènes. Exemple caractéristique, mentionné par Claude Aziza dont je viens de parler sur ce blog : chez Sienkiewicz, Néron n’est que la métaphore du tsar russe qui opprimait la Pologne, et les premiers chrétiens réprésentent (mal) le catholicisme conservateur des Polonais que Nicolas Ier voulait contraindre à l’orthodoxie.

Les lauriers de cendre est un fort roman de plus de 400 pages, publié dans le format élégant mais peu commode d’Actes Sud. On peut l’aborder sous plusieurs points de vue.

Point de vue documentaire : c’est l’impression que donnent les cent premières pages ; Rouland raconte l’accouchement d’un garçon dans une famille patricienne, les craintes superstitieuses pour la mère et le nouveau-né, les expiations, puis l’éducation de Lucius Livius dans le strict conformisme d’une famille ultra-conservatrice. La carrière de Lucius, né en 115, est toute tracée : il épousera la fille de Publius Aurelius, sans l’aimer, fera ses premières armes d’orateur sur le forum après une année de service militaire comme cavalier et aide de camp (legatus), sera questeur, édile, préteur, sans doute consul…

Point de vue historique : dès le début, quelques embûches se présentent : les populares de Marius bouleversent le système électoral si bien arrangé en faveur des riches, la populace menace, pille et assassine parfois. Lucius n’en voit rien jusqu’à ce que son précepteur grec l’emmène faire ses premières armes à Subure auprès d’une prostituée, et il s’aperçoit alors que son amour pour Aurelia dépasse les relations convenues. Malgré ses fiançailles, il décide de voyager jusqu’au septentrion, cherchant suivant des récits grecs l’ultima Thulè. Il ne dépassera pas l’Irlande. Revenu à Rome après maintes difficultés, il connaîtra le deuil, puis l’esclavage avant de retrouver sa citoyenneté et d’atteindre la préture, puis finira dans une arène de fortune, contraint à combattre comme un gladiateur sous les ordres d’un Spartacus déguisé en imperatorromain.

[Le roman a manifestement été écrit sur plusieurs périodes séparées. Au départ, il semble que l’auteur ait surtout voulu présenter les coutumes aristocratiques et l’éducation de l’enfant noble, un peu comme Christian Goudineau dans Le voyage de Marcus. Puis un autre thème apparaît, l’attrait de Lucius pour les populations barbares hyperboréennes : de Marseille, grâce à la fortune familiale, il arme un bateau (descriptions très techniques de la coque, des rameurs, etc.) pour gagner le Morbihan, puis l’Irlande, où il perd son navire et ses équipiers sans pouvoir atteindre Thulè. Leçon importante : les barbares du nord sont bien aussi civilités que nous… du moins dans l’esprit de Lucius qui, accessoirement, devient l’amant d’une druidesse.]

Point de vue philosophique : retour (sans aucun détail sur les épisodes entre l’Irlande et Bordeaux) jusqu’à Rome, où Lucius entame sa carrière d’orateur, juriste et politicien, tout-à-fait classique, mais un peu décalée parce que son expérience des pays barbares lui a appris que les esclaves ne sont pas tout-à-fait des outils doués de mouvement et de parole, des animantes entre le ver de terre et le bœuf de labour. Les populares ne tiennent aucun compte de cette évolution intellectuelle, massacrent sa famille et le réduisent en esclavage en Sicile malgré sa qualité de citoyen. Nouvelle expérience de deux ans, à la suite de quoi il s’échappe sans qu’on sache trop comment (au profit des soulèvements serviles ou des conflits entre magistrats conservateurs et révolutionnaires ?) et reprend, comme si de rien n’était, une carrière normale de magistrat. Sans qu’on sache s’il a été édile, le voici candidat à la préture, et il donne un spectacle de gladiateurs auquel, manifestement, il ne participe qu’avec le plus grand dégoût. Sa magistrature terminée, il part à Rhodes (où il côtoie le jeune César) et apprend du stoïcien Posidonios d’Apamée une philosophie humaniste. Reprenant ensuite son travail de citoyen, il est fait prisonnier par Spartacus et condamné à se battre à mort contre son meilleur ami, devant l’ancien gladiateur qui s’est revêtu de la toge de pourpre des magistrats suprêmes.

 

Je ne vais évidemment pas vous raconter le duel final, qui n’en est pas un. Il faut une conclusion stoïcienne, et Rouland la fabrique de manière assez artificielle.

Du point de vue littéraire, ce roman est mal bâti. Il y a en fait trois épisodes mal reliés entre eux, une enfance, une odyssée et une agonie. La liaison avec l’histoire événementielle n’est pas copnstante : le héros s’éloigne souvent de la vie politique (non seulement quand il part vers l’Hyperborée, mais aussi quand malgré son père il fait le fermier en Campanie et achète la villa urbaine qu’on appelle de nos jours la Maison du Faune, et bien entendu quand il passe deux ou trois ans à pousser la meule dans une exploitation agricole de Sicile). Les hommes de l’aristocratie politique devaient s’éloigner de Rome dans le cadre précis de leurs missions de propréteurs, de proconsuls, mais ils restaient en contact avec la Ville (César, en Gaule, était tenu au courant des événéments intérieurs pratiquement au jour le jour).

Que le héros, ultra-conservateur catonien au départ, s’ouvre peu à peu à un certain humanisme, cela manque un peu de naturel. Il déteste l’obligation de recruter des gladiateurs et de baisser le pouce pour les faire égorger, c’est louable, mais la contradiction psychologique entre son engagement politique et les sentiments humains ne lui fait pas modifier son comportement. Il baisse le pouce parce que la populace l’exige, mais pourquoi, après un premier égorgement, est-il frappé par la colère et laisse-t-il assassiner les vaincus de toutes les paires de gladiateurs qui se succèdent ensuite ?

Qu’il choisisse in fine la mort volontaire, comme Sénèque, c’est parfait ; sauf que l’éducation stoïcienne n’a pas été intériorisée dans le récit, assez superficiel, de l’épisode rhodien.

 

Bon, je ne vais pas critiquer indéfiniment Norbert Rouland, qui dans le cas présent n’a pas été très pointu dans la dramaturgie. Ce roman est le premier en date d’une nouvelle vague qui refuse le prêchi-prêcha de Sienkiewicz ou de Châteaubriand, et exige une précision historique totale. Les techniques du roman policier façon thriller, issues d’Alexandre Dumas, n’avaient pas encore été plaquées sur des arrières-plans antiques.

L’histoire offiicielle, selon ses préférences idéologiques, va insister sur les horreurs des consulats de Marius ou des proscriptions de Sulla : Rouland montre que les révolutionnaires et les réactionnaires de l’époque étaient également inhumains. Que les esclaves et les gladiateurs étaient considérés comme des choses animées, dont la vie n’importait pas. Que les familles dominantes étaient des clans mafieux, tenus par l’omerta avant la lettre, que les amicitiae étaient des contrats notariés avec éventuellement le couteau sous la gorge. Que les beaux discours littéraires dont on abreuve les étudiants reposent sur des techniques procédurières où la sincérité n’a rien à faire (une série de citations dérivées de Cicéron est particulièrement révélatrice).

Disons que l’intrigue de Rouland est dramatique mais pas tragique : ce n’est pas en punition d’une faute personnelle ou familiale que le héros subit son destin. Plus généralement, il est victime (de manière vraisemblable) de l’étaat de la République romaine à son époque. L’élément tragique, la malédiction du gladiateur agonisant, ne conditionne pas l’intrigue comme dans les tragédies grecques classiques mais constitue plutôt une réminiscence de la tragédie, contredite par les déclarations risibles du Grand Pontife : la malédiction d’un gladiateur, d’un esclave, ne signifie rien puisque les dieux n’ont pas suscité d’éclairs, ni fait naître un agneau à deux têtes, etc.
Norbert Rouland a cet immense mérite d’avoir osé le roman très documenté d’une période épouvantable, et de l’avoir restituée dans toute son horreur quotidienne.

Sa chronologie est sûre, pour l’événementiel en tout cas. Je ne le suis pas tellement sur l’idée que le suicide stoïcien ait été répandu à l’époque de Marius, mais il est sans doute mieux renseigné que moi. Je reste plus sceptique sur les chants qu’il attribue aux Vénètes du Morbihan qu’il fait chanter par un barde nommé Taliesin : tout cela remonte à l’Irlande du VIIe siècle.

 

*

*        *

 

Si Les lauriers de cendre se termine dans l’arène gladiatoriale, Soleils barbares débute par une course de chars dans l’arène de Carthage, à une époque très différente : la fin du Ve siècle de l’ère dite chrétienne. L’auteur n’a pas méprisé, au début d’un roman tout aussi épais que le précédent (400 pages), ce lieu commun inévitable, tant les spectacles et les paris étaient partie intégrante de la vie quotidienne, avec une remarquable permanence depuis six siècles, alors que  tout le reste, les institutions, le paganisme et les armées s’étaient effondrés et que les restes de l’empire romain étaient défendus par des barbares contre d’autres barbares.

Le référent historique est impeccable et d’ailleurs renforcé par un épais dossier scientifique de 80 pages en corps 8, en fin de volume. C’est le point contestable de l’ouvrage, comme du précédent dont le dossier était toutefois plus mince : d’une part il est maladroit d’appeler les notes en cours de récit, d’autre part quand elles font dix pages, on risque d’oublier l’intrigue romanesque. Les auteurs de la collection « Grands détectives » que je vous recommande sont plus adroits, qui se contentent d’un petit dossier savant en fin de volume, sans appels dans le texte. Enfin, sans vouloir critiquer un auteur dont je partage beaucoup de points de vue, il a dû rédiger ce dossier un peu vite, car il y a des fautes de grammaire, des à-peu-près, et des appels de notes qui ne correspondent à rien (par exemple vers la fin, sur la ville de Tournai).

J’ai dit que le précédent volume était dramatique sans être tragique ; ce n’est pas le cas de celui-ci, car le destin de l’héroïne, une Éthiopienne de Carthage, se trame à son insu en deux endroits éloignés, Carthage donc, où elle réside, et une villa proche de Toulouse, où vivent le riche Marcus Iulius, un noble d’origine gaulois, son fils Caius, le roi wisigoth Theodoric, l’évêque mafieux Agnusdei et, on l’apprendra par la suite, la blonde Genetina.

Avant la réunion des personnages centraux dans un trajet qui les mènera des Wisigoths d’Aquitaine chez les Francs installés en Belgique, Fusca va se trouver prisonnière d’un mystérieux Berbère sans visage, qui la mènera à travers le Sahara jusque dans un pays inconnu (le Mali actuel ?), tuera son amant grec et chrétien, avant de la renvoyer pour une raison peu évidente. Arrivée à Toulouse après bien des pérégrinations, la femme noire devient l’esclave de Marcus, mais aussi matriculaire dans l’église d’Agnusdei, avec mission d’espionner le riche gallo-romain qui correspond secrètement avec les Francs de Childéric en espérant faire chasser les Wisigoths d’Aquitaine.

Le dernier combat de Fusca est une ordalie cruelle : elle doit marcher sur neuf socs de charrue chauffés à blanc (car les Francs la prennent pour une envoyée de quelque diable du simple fait qu’elle a la peau noire). Je ne vous dis pas comment l’ordalie se termine.

Rouland fait vivre de manière assez convaincante les villes et les campagnes de l’Occident un peu christianisé, où la civilisation urbaine tend à régresser tandis que la crise économique et la tendance des Germains à massacrer un peu tout le monde réduit la population à 500.000 habitants (selon Georges Duby) pour toute la Gaule, que les voies romaines s’effacent et que les forêts regagnent du terrain.

L’ouvrage a été publié en 1987, mais l’état des connaissances sur lequel il repose est antérieur : depuis, l’archéologie a montré que la situation qui sera celle de l’époque mérovingienne, avec plusieurs paroisses, églises et nécropoles sur le territoire de la plupart des communes rurales actuelles, était en germe deux siècles plus tôt.

J’ai apprécié l’intrigue, assez prenante malgré des invraisemblances, et les personnages dont la psychologie, compte tenu des pressions religieuses omniprésentes, est habilement imaginée. À part le médecin Flaviniius et le sauvage Gedomo qui sont de solides agnostiques, tous les personnages sont victimes du fléau des superstitions et de son corollaire, le juridisme : c’est ainsi que Fusca est condamnée d’avance partout, comme ancienne esclave, fugitive, espionne, femme stérile et aussi (mais pas chez les Romains, il faut leur reconnaître au moins cela) pour la couleur de sa peau. Le comte franc Arnolf doit par exemple la livrer à une famille en deuil qui la déclare sorcière. Mais ce qui est extrêmement plaisant pour un esprit éclairé, c’est qu’aucune des religions de l’époque n’échappe à la critique : les homoousiens (= catholiques, dont le nom dévoile l’impérialisme) se sont bien accommodés des dieux anthropomorphes du paganisme hellénique, et les Romains ne voient aucun inconvénient à s’agenouiller, en plus de Vénus et de Bacchus, devant Chrestos (dont le nom transcrit en grec signifiait « profitable » et qu’on ne comprenait pas comme « oint »), puisqu’après tout, comme tous les dieux font des miracles, pourquoi pas un de plus ? Les Wisigoths sont arianistes (refusent l’identité de nature entre le Fils et le Père) et l’évêque arriviste Agnusdei s’appuie sur eux pour s’emparer des propriétés des gallo-romains ; les Francs sont des fanatiques sanguinaires, etc. Mais, c’est un leitmotiv qu’on avait déjà entrevu dans le volume précédent, Rouland évoque deux anciennes religions de la terre-mère et de la ffécondité, l’une issue du désert saharien, l’autre des terres hyperboréennes où le soleil ne se couche pas pendant la moitié de l’année, et qu’il recrée à partir d’un manuscrit que Fusca déchiffre dans la bibliothèque de Marcus. Manière de signifier que toutes les religions dérivent des cultes néolithiques de la déesse-mère, de la terre, de l’eau et du soleil.

 

Voici donc deux ouvrages épais, qui peuvent constituer d’excellentes lectures de vacances, mais qu’on ne trouve probablement plus qu’en bibliothèque.

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6 juillet 2010 2 06 /07 /juillet /2010 20:00

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Panem et circenses

 

Les courses de chars, la gladiature, le mime sont des spectacles aussi populaires que vulgaires, volontieurs obscènes (le mime et la pantomime), cruels (les courses de chars), voire sadiques (la gladiature). Ce sont pourtant des choses totalement différentes, qui ne se déroulaient normalement pas dans les mêmes lieux, et qui ont été introduites à des époques différentes à Rome, et qui ne participent pas au même niveau à la vie politique.

Notons déjà que la formule panem et circenses, le pain et les jeux de cirque, n’apparaît que dans la dixième satire de Juvénal, autour de 120 ap. J.-C. ; il est donc impossible qu’elle ait figuré sur l’entrée monumentale du cirque à l’époque de César, comme l’ont imaginé Goscinny et Uderzo. On ajoutera aussi que les combats de gladiateurs, représentés à Tarquinia (80 km au nord-ouest de Rome) dans la tombe des Augures à la fin du Ve siècle av. J.-C., ont été introduits à Rome dans le cadre des cérémonies funéraires des grandes familles avant de faire partie de la vie publique ; et que les jeux scéniques, également d’origine étrusque avec des influences grecques (de Campanie), ont été introduits en 364 av. J.-C. pour des raisons religieuses : il s’agissait d’apaiser les dieux après deux ans d’épidémie (Tite-Live, Histoire romaine VII 2). Le mime semble avoir remplacé la comédie latino-étrusco-campanienne seulement à l’époque de Caligula.

Dans le courant du IIème siècle avant J.-C., les jeux (romains, Apollinaires, plébéiens, etc.) se multiplièrent. Ils servaient nettement les intérêts électoraux des magistrats qui les « éditaient » à leurs frais et comptaient sur la popularité ainsi acquise pour se faire élire aux magistratures supérieures. En principe, ce sont les édiles, chargés d’entretenir les temples et les rues, qui paient ces distractions au peuple en début de carrière. La reconnaissance du peuple (car ces fêtes s’accompagnaient de distributions de vin, d’huile et de pain) leur valait ainsi d’être élus préteurs, puis, une fois sortis de charge, de passer propréteurs dans une province dont ils exploitaient éhontément les habitants pour rembourser leurs dettes (ceci à partir de Sulla, en 82).

C’est pour cette raison que les augures déclaraient facilement que les jeux – dédiés aux dieux, rappelons-le – avaient été viciés par un défaut dans la prise des auspices ou sous n'importe quel autre prétexte, comme un coup de tonnerre. Ainsi, on les recommençait en totalité en totalité plusieurs fois, et cela tenait la populace sous la pression de l' «opium du peuple» de l'époque.

Exemple le plus célèbre, Jules César, qui paya 160 paires de gladiateurs pendant son édilité de 68 ; les conservateurs du sénat s’empressèrent de limiter le faste de ces munera, notamment parce que les gladiateurs étaient des combattants professionnels et pouvaient éventuellement jouer un rôle déterminant dans les combats politiques qui reposaient sur la corruption et sur l’intimidation à cette période.

À partir de la dictature de César, il n’y eut plus d’élections effectives, et c’est le Prince qui ordonnança tous les jeux. C’était d’ailleurs le Prince qui possédait presque la totalité du numéraire disponible dans l’Empire… et le petit panier d’osier dans lequel les ménagères déposaient quelques pièces de monnaie pour le marché, le fiscus, finit par désigner le trésor impérial.

Sur la gladiature, je vous renvoie à deux thèses importantes, donc épaisses, celle de Georges Ville, 1981, et Le Pain et le Cirque de Paul Veyne, 1976 (Seuil). Mais il reste une excellente lecture pour la plage, les 735 pages du Néropolisde Monteilhet, largement inspirées de Georges Ville. Un excellent entretien de Paul Veyne est paru récemment dans un hors-série de L’Histoire, décembre 2009, consacré à la BD Muréna. Moins de 5 € et probablement encore disponible en cherchant bien.

J’en extrais un article de Jean-Paul Thuillier, Directeur des Études à l’ENS-Ulm, que je reproduis partiellement.

« Dans la Rome antique, aux premiers siècles de notre ère, certains auriges (cochers) jouissaient d’une faveur et de privilèges aussi grands que les footballeurs stars d’aujourd’hui. Des inscriptions funéraires détaillent pourla postérité la carrière et le palmarès de ces idoles. Ainsi, Caius Appuleius Diocles, qui venait d’Espagne, une province où les courses de chars étaient particulièrment prisées, se flatte-t-il, dans son épitaphe, d’avoir remporté 1462 victoires sur les 4257 épreuves qu’il avait disputées au cours de 24 ans de carrière. L’inscription insiste sur ses débuts, sa première victoire, les différdnts propriétaires pour lesquels il a couru et qui sont en fait les « factions »' (des entreprises asses semblables aux grands clubs de football actuels) ; elles étaient quatre au total et différenciées par leur couleur : blanc, rouge, vert et bleu. [Ces écuries étaient aussi liées aux factions politiques : ainsi les populares pariaient sur les verts, et Suétone raconte que César, pendant son édilité, fit mettre du sable vert sur la piste en le teintant avec du sulfate de cuivre.]

«  […] Les idoles du cirque romain étaient ces conducteurs de chars. D’après l’historien Tite-Live, le programme officiel du cirque fut longtemps composé de quadrigae et de desultores : des chars à quatre chevaux et des cavaliers-voltigeurs qui couraient avec deux chevaux. L’absence de simples courses montées est d’autant plus étonnante que les Grecs pratiquaient cette compétition régulièrment : les vainqueurs athéniens à la course montée d’Olympie, la kélès, bénéficiaient dans leur cité des mêmes récompenses que les vainqueurs à la course de chars. Mais les vainqueurs étaient les propriétaires des chevaux et non les cavaliers ou auriges, simples professionnels. […]

«Les Étrusques ont presque tout apporté aux Romains dans le domaine des compétitions hippiques et athlétiques. Selon la tradition historiographique, c'est le roi Tarquin l'Ancien qui aurait «inventé» le Grand Cirque, dans la dépression naturelle située entre l'Aventin et le Palatin ; il aurait organisé les premiers grands jeux romains, vrfs la fin du VIIe siècle avant notre ère. Or les fresques funéraires étrusques de Tarquinia et de Chiusi ne montrent pas de courses de chevaux montés ; en revanche, chars de compétition et cavaliers-voltigeurs se bousculent sur les parois des tombes.

À Rome, les plus appréciées étaient les courses de quadriges, courses de galop très animées et périlleuses. Le danger était grand, au passage des bornes autour desquelles les chars tournaient :: lors que la roue gauche – on courait «corde à gauche» – touchait la borne, c'était le «naufrage» et, parfois, la mort accidentelle de cochers souvent très jeunes. Ce ne fut pas le cas de notre Dioclès qui l'emporta aussi sur des chars tirés par deux ou trois chevaux.. Le trige était constitué de deux cheevaux timoniers et d'un cheval extérieur relié au char par un simple trait ; ce cheval extérieur tenait un rôle capital dans les virages. Et, sur ce point, nous saisissons encore les influences étrusques sur le cirque romain : seuls les Étrusques utilisaient en compétition ce type de char, que les Grecs ont toujours ignoré. Il y avait même à Rome, au Champ de Mars, le long du Tibre,, un cirque d'entraînement appelé Trigarium en raison des triges qui s'y produisaient ; ce cirque, qui remonte à la période étrusque de Rome (614-510 av. n. è. selon la tradition), était aussi le  théâtre de quelques courses officielles, à l'occasion de festivals religieux. Et la présence de ce Trigarium explique que les écuries des factions aient été situées dans cette zone de Rome et non près du Grand Cirque ; des fouilles pratiquées sous le Palais Farnese ont permis récemment de retrouver des vestiges du siège d'une de ces factions.

Violence de la course

Au IIe siècle de notre ère, des chars plus étranges virent le jour, et notre Dioclès se vante de l'avoir emporté sur un char attelé à six et même à sept chevaux ! Mais ces épreuves devaient être exceptionnelles, comme devait l'être aussi celle appelée celle dite pedibus ad quadrigam gagnée par un autre aurige vedette, Publius Aelius Gutta Calpurnianus. Il faut imaginer là, sans doute, une épreuve où l'aurige s'élançait à pied (pedibus) pour rejoindre son char (ad quadrigam), ce qui permettait aux spectateurs de contempler leurs idoles plus à loisir que dans le feu de la course hippique.

À quoi ressemblaient ces auriges-vedettes ? Quels étaient l'équipement et la technique de ces agitatores, comme on disait en latin ? Il ne faut surtout pas les confondre avec l'Aurige de Delphes, type même du cocher grec, vêtu d'une tunique blanche qui lui tombe jusqu'aux pieds ; celui-ci a la tête coiffée du bandeau de la victoire et il tient les guides dans les mains. Le cocher romain, comme son prédécesseur étrusque, porte une tunique courte (aux couleurs de sa faction) qui s'arrête à mi-cuisses ; il a la tête habituellement protégée par un casque de cuir, et surtout les guides sont nouées autour de sa taille. On voit bien et l'intérête et les risques de cette technique : les guides ne pouvaient glisser des mains dans la violence de la pleine course mais, en cas de naufrage, le péril était multiplié ; aussi, pour éviter d'être traîné par les chevaux emballés – un accident assez f'réquent –, l'aurige romain portait-il, glissé dans les lanières de cuir qui lui formaient comme un corset autour de la poitrine, un couteau en forme de serpette avec lequel il tentait au dernier moment de couper les guides pour se libérer de ce nœud mortel.

À Rome, le programme hipppique officiel comportait donc aussi des desultores qui ouvraient et fermaient le spectacle. Ces cavaliers, comme ceux des cirques modernes, partaient avec deux chevaux et sautaient d'une monture sur l'autre, sans doute à chaque tour de piste. Les écrivains romains ont souvent été tentés par cette image du desultor, qu'ils reprenaient parfois pour qualifier l'art du traducteur, sautant d'une langue à l'autre. Et, de la traduction à la trahison, il n'y a qu'un pas  : trahison amoureuse, et c'est Ovide qui parle du desultor amoris, du «voltigeur d'amour». Image bien cavalière que l'on retrouveencore chez Cicéron pour qualifier un personnage politique qui change de veste, ou plutôt de toge ! au gré des circonstances.

Un dernier trait démontre que les Étrusques ont inspiré les jeux du cirque romain. À Olympie, aucuen femme ne pouvait assister aux grands jeux panhelléniques, à l'exception de la prêtresse de Démêter Chamynè. À Rome, au contraire, les femmes s'installaient librement surles gradins du Grand Cirque. Ovide, poète de la séduction, savait que le Cirque favorisait les rencontres amoureuses. Et lorsqu'Auguste, menant une politique d'ordre moral, voulut séparer les hommes et les femmes dans les édifices de spectable, il ne put appliquer sa réforme au Cirque ; sans doutese heurta-t-il à une tradition trop ancrée, une tradition qui remontait précisément à l'Étrurie. Sur une fresque de Tarquinia  du débutr du Ve siècle av. n.-è. (la tombe des Biges, dont les fresques déposées et restaurées se trouvent au musée de Tarquinia), se déroulent des jeux hippiques et athlétiques, auxquels assistant des spectateurs des deux sexes, installés sur une tribune de bois couverte d'un velum de toile.

À Rome, les jeux du cirque touchaient toutes les classes sociales, de l'empereur jusqu'au dernier des esclaves. Tousles regards convergeaient sur les auriges, objets de grandes passions. Passions malsaines, selon les auteurs chrétiens qui iles dénonçaient avec véhémence, et qui devaient encore s'exacerber dans l'Empire byzantin, à Constantinople surtout, pour conduire à des troubles sanglants rappelant le comportement des hooligans. Adulés par leurs tifosi, guettés parles parieurs, honnis par les supporters des factions concurrentes, déjà critiqués pour les sommes incondérées qu'ils gagnaient alors que d'autres activités plus nobles conduisaient à la misère, tels étaient ces agitateurs de chars, toujours prêts à risqur la mort pour l'emporter au passage de la borne.»

 

Voilà donc ce  qu'écrit mon camarade Jean-Paul, qui ne m'en voudra pas de l'avoir reproduit à peu près mot à mot, puisqu'il est le meilleur spécialiste du sujet et que je n'aurais pu balancer sur le blog que des approximations moins efficaces.

Je vais quand même ajouter quelques détails, dans la seule mesure où ils pourront vous servir pour affronter, si besoin est, l'examen de rattrapage dans deux mois.

Pour simplifier, les jeux athlétiques de l'Antiquité sont issus du domaine civique, et les jeux de gladiature du domaine privé.

Depuis 776 av. l'ère vulgaire, les Jeux Olympiques existent, et en plus ils fondent la chronologie des cités grecques réunies dans une fédération de cités. Ce qui signifie qu'ils étaient là pour régler non seulement la vie des cités, mais surtout les relations entre des cités souvent rivales, mais liées surtout par l'idéologie d'une commune autochtonie hellénique : au début de l'Âge du Fer, les Hellènes, conscients qu'ils héritaient une protohistoire extrêmement compliquée, avec des féodalités de l'Âge du Bronze final dont les rivalités étaient transmises par le mythe, conquièrent l'idée de la πολιτεία, c'est-à-dire, pour faire aussi simple que possible, que les Hellènes de race pure, sans se soucier des Barbares qui les environnent, vivent dans des villes qui contrôlent des campagnes, vénèrent à peu près les mêmes dieux et déesses, et grosso modo constituent une civilisation urbaine avec des intérêts et des conceptions intellectuelles communs.

Dès cette époque, on commence à créer des conventions annuelles ou quadriennales. Il y avait les jeux delphiques, panathénaïques, corinthiens, mais la chronologie s'est fondée sur les olympiques. Peu importe : les jeux étaient identiques, et ils étaient, surtout, civiques. Il s'agissait d'honorer dans plusieurs épreuves sportives, course, boxe, javelot, tir à l'arc, épreuves hippiques, les jeunes citoyens qui étaient les meilleurs et les plus beaux, καλο κγαθο. On honorait les dieux de la Cité, la beauté des Citoyens.

Chez les Étrusques, les jeux ont un tout autre sens, bien que certaines cités étrusques, Tarquinia et Caere en tout premier à cause de leur façade maritime et de leurs relations privilégiées avec Corinthe puis Athènes, soient fortement hellénisées, et qu'on ait trouvé plus de céramique attique à Caere qu'à Athènes même. La société étrusque, au VIIIe siècle, est féodale, et elle le reste au VIe dans des centres ruraux comme Murlo, San Giovenale ou San Giuliano. La cité étrusque apparaît tout juste début VIIe dans la zone maritime hellénisée, plus tard dans l'intérieur. Rome, sous influence étrusque, devient une cité à la fin de ce siècle ou au début du suivant, sous la direction d'un clan de tyrans appelés les Tarquins, selon la tradition.

Les jeux gymniques relatés sur les fresques des tombes étrusques, Tarquinia et Chiusi en particulier, ne relèvent pas du civique mais du féodal : ce sont des rituels qui, développés le jour de l'enterrement, permettent au suzerain ou au noble de passer tranquillement vers la vie éternelle. Preuve en a été donnée voici quelques années par Jean-René Jannot, dans un ouvrage malheureusement introuvable (publié par Ouest-France ; si l'un de vous le trouve chez un bouquiniste, qu'il en fasse profiter les autres). La tombe des Augures, à Tarquinia, prouve que les combats de gladiateurs faisaient partie du rituel funéraire à la fin du VIe siècle.

Rome, simple avant-poste ou plutôt relais du commerce étrusque vers la Grèce d'Italie du Sud, a reçu ces rituels assez tard. Les jeux sportifs probablement au VIe siècle, la gladiature au Ve et le théâtre (lui aussi d'origine religieuse) un peu plus tard. Un texte intéressant de Tite-Live (VII 10) indique qu'on exécuta les premières pièces de théâtre pour «propitier» une épidémie, et qu'ensuite «la jeunesse» oublia le prétexte religieux et en fit des jeux vulgaires et probablement arrosés, qui dégénèrent dans le mime tant critiqué, sous Néron, par Sénèque, et sous Trajan par Juvénal.

Les courses de char, dont nous venons de voir que les Romains en ont fait un spectacle qui n'a plus rien à voir avec les jeux civiques de la Grèce ni avec les cérémonies funéraires de l'Étrurie, faisaient l'objet de paris et avaient des enjeux politiques. Quatre factiones concouraient, donc quatre chars à la fois, les bleus, les blancs, les verts et les rouges ; les blancs avaient la faveur du sénat conservateur et les verts celle de la plèbe, au point que César, voulant flatter la populace, imagina pendant son édilité de faire teinter le sable de l'arène en vert avec du sulfate de cuivre ! Ce qui explique cette réflexion de Goscinny : «ça paie le sable de l'arène.»

Tous les moyens étaient bons pour gagner. Les cochers professionnels étaient ligotés à leur attelage et portaient un poignard pour couper les liens, sans quoi, en cas de chute, ils étaient traînés par leurs chevaux et à peu près sûrs d'y laisser la vie. Il n'était pas exclu d'utiliser le fouet pour faire tomber le cocher adverse, et le passage de la borne (meta) constituait un virage en épingle, un U-turn, extrêmement dangereux.

Les combats de gladiateurs, qui n'ont rien à voir avec les courses et se déroulaient plutôt dans les amphithéâtres qui s'élevaient partout en Italie et dans les provinces, n'étaient pas moins cruels et donnaient lieu aux mêmes paris. Ils étaient également très codifiés, avec des armements précis, épée courte, filet, masque, trident, suivant la qualification du combattant, rétiaire ou samnite. Les combattants étaient des professionnels, en général d'anciens esclaves, entraînés dans des écoles spécialisées (les ludi) et loués aux magistrats par des entraîneurs, les lanistae, qui pouvaient s'enrichir énormément. Les lanistes, comme les bouchers, étaient méprisés mais indispensables dans la vie politique.

Vie politique où, d'ailleurs, les gladiateurs jouaient un rôle (voir les romans de John Maddox Roberts et de Steven Saylor, Montheillet, Sienkiewicz, etc.). Ceux qui survivaient à suffisamment de combats «raccrochaient les gants» ou, en latin, «obtenaient le bâton» et constituaient volontiers les troupes de nervis au service des hommes politiques. Il arrivait aussi que des gladiateurs se révoltent et tentent de conquérir la liberté : la révolte de Spartacus, gladiateur d'origine thrace,, est partie d'un ludus de Campanie. César, toujours lui, «édita» pendant son édilité un spectacle avec 180 paires de gladiateurs ; le risque de voir 360 hommes entraînés au combat envahir le forum suggéra au Sénat de limiter les spectacles à 60 paires.

Je vous remettrai pendant l'été quelques détails supplémentaires et de la bibliographie. Concluons sur une note morale : plus les gladiateurs étaient couturés de cicatrices, éborgnés ou privés de leur nez, et plus ils séduisaient les femmes de la noblesse… chacun ses goûtes. Je vous renvoie à Juvénal et à l'immense Federico Fellini.

 

 

. Les fresques ont beaucoup souffert de leur découverte après une conservation de 2400 ans en milieu anaérobie, et une grande partie de leur surface a disparu. Heureusement, plusieurs dessinateurs et aquarellistes les ont saisies peu après leur découverte, ce à quoi nous devons des reconstitutions au trait, ou en couleurs, plus ou moins fidèles, qu’on peut trouver dans plusieurs catalogues d’expositions, notamment Les Étrusques et l’Europe de 1996, mais dont des dessins au trait, sommaires, figurent aussi dans le très populaire et mal informé Les Étrusques de Werner Keller, chez Marabout. Les personnages hiératiques qui siègent sur les estrades sont des prêtres et prêtresses, voilé(e)s, assis sur des chaises curules et tenant des sceptres. Ces personnages peuvent s’assimiler à des magistrats et à l’équivalent tarquinien des Vestales, sans qu’on puisse trop préciser puisque la tombe ne comporte pas d’inscriptions. Les épreuves athlétiques, représentées de manière assez schématiques par simple agrandissements, me semble-t-il, de figurations de la céramique attique à figures rouges, sont totalement grecques. La tombe du Singe, la tombe del Colle Casuccinià Chiusi, que mon collègue ne mentionne pas ici, ainsi que la tombe dite des Augures à Tarquinia, présentent d’autres luttes qui font encore plus manifestement partie d’un rituel funéraire. Un seul des trois relevés graphiques de la tombe des Olympiades présente en totalité les scènes qui se déroulent sous l’estrade : quatre trios d’éphèbes dans des relations explicitement sodomites. Deux des trois illustrateurs recensés ont simplement supprimé celui qui subit les assauts, ce qui rend les illustrations habituellement publiées incompréhensibles. Cela dit, à moins d’admettre que les coutumes pédérastiques de l’éphébie athénienne ne se soient exportées à Tarquinia en même temps que des quantités de céramique, je ne peux pas, pour le moment, en proposer la moindre explication [R.A.]/

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6 juillet 2010 2 06 /07 /juillet /2010 19:57

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La civilisation engloutie, documentaire de Harvey Lilley

Le 19 juin 2010, Arte a diffusé un documentaire franco-néerlandais consacré à la civilisation minoënne. Par-delà le ton des commentaires, digne de l’école primaire, et de nombreuses imprécisions dans les traductions, j’ai relevé pas mal d’erreurs.

Une fort grave relève dans l’imprécision de la chronologie, peut-être due à une erreur de traduction : tantôt la civilisation minoënne est signalée comme antérieure de 3.000 ans à notre époque, tantôt 3.000 ans avant l’ère chrétienne. En fait, sa fin date du Bronze moyen, qui la situe autour du milieu du deuxième millénaire avant J.-C., soit (en moyenne) à 3.500 ans de nous.  L’évolution locale du néolithique à l’Âge du Bronze remonterait à 2.700 et la catastrophe, dite « éruption minoënne », serait datée au14C de 1.628 ± 25 ans av. J.-C.

Je n’insisterai pas sur ce point, n’étant pas assez compétent sur la période en Méditerranée orientale, mais le catalogue Le monde d’Ulysse vous donnera tous les renseignements nécessaires. Je ne recommande pas Wikipedia, dont les rubriques s’inspirent directement du documentaire (que l’on peut d’ailleurs louer).

Ce qui me choque davantage est que ce reportage n’ait pas évoqué le monde mycénien, qui se développe avec un décalage de deux ou trois générations et qui a gagné la Crète après la dissolution de la culture minoënne. Or il n’y a pas de discontinuités susceptibles de laisser penser qu’un cataclysme ait détruit la Crète dans son ensemble.

Le documentaire cherche à avaliser l’idée que l’éruption volcanique de Santorin (qui n’est jamais appelée de son nom antique, Théra) aurait provoqué trois tsunamis, lesquels auraient recouvert les côtes crétoises et même l’intérieur des terres de plusieurs couches de cendres mêlées à des fossiles marins. La stratigraphie qu’on nous montre des falaises, lesquelles sont d’ailleurs estimées tantôt à 6, tantôt à 30 mètres de puissance, paraît intéressante, mais j’y ai vu, à travers un écran il est vrai pas très net (je n’ai qu’une vieille télévision à quatre chaînes, et Arte passe mal), plutôt des dépôts calcaires que des lapilli volcaniques. D’autre part, pourquoi les archéologues qui ont enlevé les couches supérieures de Cnossos, d’Hiraklion, etc., n’ont-ils pas signalé des dépôts volcaniques que les fouilles de Pompéi et Herculanum avaient fait connaître ?  Raison simple : le documentaire montre les falaises de Théra et pas celles de Crète, mais oublie de le dire.

On voit d’autre part des archéologues de terrain découvrir des coquilles dans les sédiments. Or, expérience faite, on trouve dans les couches géologiques quantité de fossiles marins, et pour cause puisque les couches calcaires sont d’origine marine, mais on en trouve aussi des quantités dans les restes alimentaires des couches archéologiques : sans parles des huîtres du lac Lucrin près de Naples, je me rappelle avoir fouillé un mètre cube d’huîtres à Melun, à 500 km de la côte la plus proche ; les sédiments enveloppants étaient des sables à galets et cailloutis de la Seine, provenant de crues régulières, et n’avaient rien à voir avec des tsunamis venus de Brest ou de La Rochelle.

Troisième et dernier point : ces archéologues face caméra tripotent des os avec les doigts avant de les enfiler dans des sace en matière plastique, et le commentaire assure que la datation radiocarbone donne telle ou telle époque. Or n’importe quel archéologue sait qu’on tire très peu de radiocarbone analysable de l’os, et surtout que la matière organique vivante (la sueur, la peau) tout comme la matière carbonée fossile (les plastiques dérivés du carbone) polluent les fossile et le rendent incapable de fournir une datation 14C. Franchement, ce n’est pas sérieux.

D’accord, des catastrophes tectoniques ont eu lieu dans l’Antiquité, et la répétition des déluges dans diverses mythologies tant indo-européennes que sémitiques suffit à prouver qu’une catastrophe de ce type a eu lieu sur une vaste superficie ; mais les travaux archéologiques n’ont jamais indiqué qu’une inondation considérable ait eu lieu dans tout le Proche-Orient et dans la Méditerranée orientale au IIIe millénaire. On peut évaluer le désastre provoqué par le Vésuve en 79, parce que les fouilles ont confirmé le récit d’un témoin presque direct, Pline le Jeune, dont l’oncle, Pline l’Ancien, était sur place. Mais pour le déluge de Deucalion, ou celui du Pentateuque, ce sont des mythes, donc des récits considéra-blament amplifiés et exagérés par la tradition orale sur des dizaines de générations.

De même, Platon indique que selon des documents égyptiens récupérés (et sans doute mal traduits) en Égypte, un continent appelé Atlantide aurait été enfoui par les flots – donc par un tsunami, j’en conviens – et qu’une grande civilisation aurait péri dans la catastrophe ; à partir de ce fait envisageable, les mythographes (rappelons que le mythe, en grec, est un récit habile maismensonger) ont fabriqué une légende et rattaché la catastrophe de Santorin au mythe d’Atlas, ancêtre des dieux, qui aurait porté le monde sur ses épaules et dont on situait le cadavre aussi bien en Égypte que dans l’océan que les Grecs redoutaient. Soyons clair : l’Atlantide de Pierre Benoît comme celui d’Edgar Jacobs sont des mythes modernes, et les bouquins pseudo-scientifiques qui veulent situer ce continent perdu quelque part en Méditerranée ou dans la mer des Sargasses sont des élucubrations mythologiques, rien de plus.

À une époque plus rapprochée, les sept rois de Rome sont entièrement mythiques pour les quatre premiers, et les trois suivants n’ont guère plus de réalité historique. Les débuts de la république romaine, à partir de 509, sont partiellement mythiques. Les évangiles relèvent du mythe, presque au même titre que le Pentateuque, l’épopée de Gilgamesh, etc. Les héros et les dieux sont des produits de l’imagination humaine, qui s’appuie souvent sur des faits déformés génération après génération. Et, regardons très près de nous, les mythes de Jeanne d’Arc, de Louis IX, et même de la Révolution française ont été fabriqués par des écrits romanesques qu’il est encore très difficile de contrer avec les archives écrites et authentiques dont on dispose depuis, finalement, moins de vingt siècles en Occident européen, vingt-cinq en Grèce et trente-cinq en Chine ou en Égypte.

Encore a-t-il fallu attendre Champollion (1840) pour lire l’écriture hiéroglyphique ; et des savants très diplômés comme Christian Jacq, de nos jours, s’autorisent encore à romancer une histoire qu’ils connaissent pourtant bien. Il est vrai que le roman se vend mieux en librairie que la thèse d’histoire…

Pour conclure, les fameux documentaires du samedi soir sur Arte, que je regarde le plus souvent possible dans votre intérêt, sont souvent bien documentés, mais dérapent parfois du côté du mythe. Et comme la présentation, avec ce ton pédagogique monotone et ces traductions parfois tendancieuses de l’allemand, de l’anglais et de l’italien (manque de pot pour leurs monteurs, j’arrive à comprendre à peu près la VO dans ces trois langues), ne permet qu’aux spécialistes de distinguer l’authentique du fabriqué, il est inévitable que des idées fausses s’imposent.

Cela dit, il faudrait jeter 90% de la littérature historique, même récente, et c’est pourquoi j’ai préféré depuis quatre ans vous faire travailler sur des BD et des romans qui se revendi-quent explicitement comme des fictions pures. Ce qui n’empêche pas celles qui s’avouent les plus caricaturales de reposer souvent sur une documentation historique solide.

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18 mai 2010 2 18 /05 /mai /2010 20:00

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Steve Berry, L'énigme Alexandrie, Pocket, 2009, 600 pages.

Trois scènes d'action en alternance, parfois d'une page à l'autre, ce qui témoigne d'une technique du thriller mal maîtrisée. Du début à la fin, personne ne sait à qui faire confiance, du simple agent secret retraité divorcé d'une avocate au président des USA, à son vice-président et à son principal ministre, en passant par des tueurs du Mossad et un espion de luxe à la solde d'une puissante organisation secrète d'origine médiévale, dirigée selon un rituel archaïque par les plus grandes fortunes d'Europe occidentale.

Les agents doubles pullulent, le Mossad s'allie à l'Arabie saoudite, des personnages sont tués et ressuscitent, les plus honorables s'avèrent d'horribles fripouilles : assez d'ingrédients pour faire un thriller haletant, mais le résultat est poussif. Heureusement, l'auteur limite les échanges sentimentaux, par exemple entre l'ancien espion, son ex-épouse faussement gaffeuse et son fils qui n'est pas de lui… on redoute que ce roman soit adapté à la télévision étatsunienne !

Le fond serait pourtant intéressant : les Chevaliers de la Toison d'Or veulent destabiliser le Moyen-Orient pour y pousser leurs pions ; le gouvernement américain ne détesterait pas les y aider, pour obtenir une baisse du prix du brut, mais le président est du côté sioniste. En secret, issus du fond des âges, des messagers recrutent tous les quinze ou vingt ans des savants, invités à retrouver la bibliothèque d'Alexandrie. Pourquoi ? parce qu'ils ont sauvé des manuscrits inconnus, dont des bibles en hébreu ancien, langue disparue du temps de l'exil à Babylone ; l'un d'eux, le dernier survivant (tous les autres ont été éliminés par le Mossad), a démontré que les Anciens Testaments authentiques transmis par la Torah et, plus encore, par la bible chrétienne fabriquée par Jérôme, révèlent le véritable pays donné par Yahvé à Abram : il se situe en pleine Arabie, au sud de la Mecque, et si cette vérité était divulguée, les trois religions monothéistes se lanceraient dans une guerre infinie. Dans l'immédiat, quand même, le président des USA va être abattu par Ben Laden à l'instigation de son vice-président, lors d'un voyage secret en Afghanistan…

Selon l'habitude des auteurs américains de thrillers, Berry utilise quelques éléments authentiques (par exemple la fin de carrière de David Ben Gourion, mis sur la touche faute d'être resté suffisamment sioniste, ou encore les thèses d'un nommé Kamal Salibi qui voulait, en 1988, situer la terre d'Abram loin de la Palestine, dans le désert de l'Assir ou, de fait, le gouvernement saoudien a fait détruire des sites archéologiques potentiels). Il invente aussi énormément, ce qui n'est pas fort préoccupant, mais surtout il falsifie beaucoup : par exemple en affirmant que ce qu'il appelle l'hébreu ancien (en fait l'hébreu liturgique) était entièrement perdu au IVe siècle avant l'ère courante, alors que l'araméen en est une version orale bâtarde. Le plus drôle est de redécouvrir un échange de courriers où Saint Augustin incite Saint Jérôme à falsifier sa traduction latine de la bible pour qu'Israël reste en Palestine !

Dan Brown ne fut pas le premier à réviser les textes bibliques pour monter de vastes fresques où s'interpénètrent histoire ancienne et moderne (Didier Convard, avec Le triangle secret, avait devancé le Da Vinci Code), et Pocket en publie à la pelle. Dans le genre, on recommandera Giacometti et Ravenne, qui ont au moins de l'humour et ne souffrent pas de traductions insipides, ou encore Henri Loevenbrück.

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13 mai 2010 4 13 /05 /mai /2010 12:32

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P. 3. Pompéi : plan large sur une ville de fantaisie, avec portiques en enfilade grimpant vers un temple ; statues sur des toits plats ; Alix et Enak dans la riche villa de Fulvius Cator :: statues d'Hercule et de Castor, peintures de 3ème style. Arrive un personnage de dos.

4. C'est Numa Sadulus (latinisation de Numa Sadoul, biographe d'Hergé et de Gotlib). Un personnage important, au pied d'une statue monumentale de Zeus portant une colombe et dressée sur un socle à l'inscription invraisemblable (IXV HOR…. — mais on a bien vu une tombe avec inscription en français dans Le tombeau étrusque !), rappelle à Alix qu'il est ami de César, et une amitié fidèle, précise le héros. C'est Pompée qui évoque en trois images : la reddition de Vercintgétorix, son séjour dansle cachot souterrain de la Mamertine et le triomphe de César… mais César ne peut triompher parce que V. a disparu de sa prison.

5. Arrive V., jeune et farouche (on lui donnerait 18/19 ans comme à Alix).

6. V. casse un énorme vase en traitant Alix de traître. Pompée le convainc de repartir en Gaule avec l'aide d'Alix.

7. Accostage dans une calanque près de Massilia ; paysage sauvage, pêcheurs à moitié nus. V. embrasse le sol de la Gaule ; arrivent des soldats.

8. Les soldats accompagnent les héros ; V. leur prépare une potion qui les endort.

9. Ils vont au ravitaillement dans une ville gallo-romaine ; Galva, ancien compagnon d'Alix et de César, est sur un balcon ; 10. Ils s'enfuient. Plan rapproché : Galva rend compte à César (mais César tenait ses quartiers d'hiver en Cisalpine, côté italien, à  Pise ou à Ravenne)..

11. César charge Galva de retrouver Alix et celui qu'il n'a par identifié comme V. Changement de scène : de nuit, les héros se réfugient dans une grotte peinte (Lascaux est à 500 km, et la grotte Cosquer n'était pas encore connue).

12. Cache-cache avec les patrouilles. Retour sur César ("le consul" alors qu'il est proconsul). Par pigeons voyageurs, il a appris l'évasion de V.

13. Colère de César. V. et ses compagnons arrivent par "d'interminables montagnes parfois recouvertes de neige"  "en Arverne"' (sic ; il faut écrire Arvernie, ou "au pays arverne"), devant la porte d'une ville de hauteur dont le rempart est un murus gallicus. Une jeune fille se précipite vers V.

14. V. retrouve Ollovia, et un fils dont il ignorait l'existence, Edorix ; mais Ollovia a été mariée à Serovax. 15. Le conseil arverne s'en prend violemment à V. : il a laissé mourir les Mandubiens et mené la guerre dans son seul intérêt.

16-17. Fugitifs, les héros sont repérés par un peloton romain mais protégés par les loups (dans Les légions perdues, Alix avait sauvé un loup pris au piège et par la suite ces "braves bêtes" l'avaient protégé à maintes reprises).

18-22. Poursuite dans la neige, chute d'Ollovia et Edorix dans une rivière, les héros sont surpris par des légionnaires armés d'arcs alors qu'ils font sécher leurs vêtements, puis sauvés par une peuplade gau!loise qui les amène dane un gigantesque gouffre.

24. César dans un camp d'hiver (en pierre) ; un Gaulois le renseigne. V. jugé par les Gaulois du cratère.

25. Évocation assez fidèle de la fin du siège d'Alésia, avec les lis et les cippes, si ce n'est que la contrevallation et la circonvallation sont à quelques mètres l'une de l'autre, formant un couloir pour une dizaine de cavaliers de front, alors qu'il y avait plusieurs centaines de mètres, que le site soit Alise ou non (c'est ce qu'écrit César).

26-29. Retour des loups ; changement de paysage : César passe la Saône sur un pont, apparemment du côté de Mâcon et vers la Gaule ccentrale (les monts du Mâconnais sont à peu près reconnaissables ; les héros fuient toujours, suivis par les loups, mais finissent par être ensevelis sous la neige. Arrivée des Romains.

30-31. Les loups les ont traînés à l'abri et les réchauffent. Ils arrivent à une ferme isolée dont la propriétaire est folle et met le feu. Les Romains repèrent la fumée.

32-33. Poursuivis par les Romains, ils traversent une rivière en barque, tombent sur une voiture qu'ils aident à désembourber. C'est le cousin d'Alix, Vanik.

34. Vanik, qui s'est coupé les cheveux et la moustache, est gouverneur d'une province et construit une ville gallo-romaine magnifique (peut-être inspirée par Trèves).

35-38. Arrive Galva, précédant l'armée de César. La poursuite reprend dans la neige… jusqu'à Alésia. V. annonce son destin à Edorix. V. déterre ses armes de parade.

39-40. Alix et V. tentent une conciliation avec César ; fin de non-recevoir.

41. César, malade, examine des plans d'encerclement des ruines d'Alésia : c'est le plan de Napoléon III. Pendant ce temps V. cueille dans la neige des plantes toxiques.

42. César réclame Edorix en otage. V. sait que Serovax est devenu officier de César. Il rappelle comment Achille, après la prise de Troie, a fait tomber d'une tour Astyanax, le fils d'Hector et d'Andromaque. Galva tente une ultime ambassade, tout seul.

43-46. V., torse nu, revêt son casque à cornes et prend son épée, traverse les lignes romaines pour tuer César. Il est tué dans la tente de César.

47-48. Les soldats obligent Edorix à monter sur une tour en bois, mais Ollovia avoue qu'il est fils de Serovax et César finit par l'envoyer en Italie avec Alix et Enak, moyennant qu'il change de nom et s'appelle Edorus… idée calquée sur le sort d'Hermann, devenu Arminius à Rome et reparti ensuite en Germanie pour massacrer les légions de Varus.

Conclusions : une intrigue qui mêle des éléments invraisemblables. Ramener César en Gaule alors qu'il vient de terminer la guerre civile, lui faire assiéger une nouvelle fois Alésia en ruines où il n'y a que cinq personnes, et en plein hiver, tout cela est extrêmement fantaisiste, et comme l'intrigue est trop faible pour occuper 45 planches, Martin a peuplé avec les loups et des aventures dans la neige inspirées du Temple du Soleil d'Hergé (où Haddock se trouve aussi enterré sous une avalanche, qu'il a provoquée en éternuant… là, au moins, c'est du second degré).

Une idée, que reprendra Steven Saylor quelques années après, est l'ambiguïté politique d'Alix : il travaille pour Pompée, et cependant César l'épargne. C'est le fameux thème de la clementia Caesaris, mais traité de manière infantile.

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