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25 juin 2015 4 25 /06 /juin /2015 18:36

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Pélagie-la-Charrette

On va s’étonner que je parle de cet excellent roman d’Antonine Maillet, qui a déjà plus de cinquante ans. Deux excellentes raisons à cela : il traînait dans une chambre d’amis où j’ai dû me réfugier pour une question de plomberie, et surtout il m’a permis de mieux comprendre la genèse des deux parties de la bible chrétienne.

Les exilés poitevins, normands ou basques qui avaient cru trouver leur place aux Amériques s’étaient fixés au XVIIe siècle en particulier au Québec. Suite à divers accords internationaux, les Anglais les expulsèrent de leurs terres en 1754-55 (le Grand Dérangement), certains furent réduits en esclavage, d’autres reconduits en France (d’où certains revinrent par Nantes), d’autres s’installèrent dans le delta du Mississipi. Antonine Maillet relate l’odyssée (terrestre plus que maritime) de familles qui retraversèrent la moitié du continent pour regagner les sites historiques. Pour plus de précisions historiques, voir les articles détaillés de Wikipédia.

Dans ces exils, les Acadiens eurent à cœur de préserver leur religion, leur langue et surtout leurs lignées : des conteurs « défrichetaient » les généalogies comme on avait défriché les terres. Ce qui fait que chacun traînait dans son anthroponyme une succession d’ancêtres : François à François à Pierre à Pierre à Pierre Le Blanc, comme un Athénien pouvait être Archidamnès fils de Théodote, petit-fils de Démophon, du dème de Phrouroi, ou comme un Romain de la noblesse gardait dans son vestibule les masques de ses ancêtres sur plusieurs générations.

Sauf qu’ici tout est oral, donc tout se déforme, et qu’on accuse volontiers le conteur de raconter des inventions. Ces éléments psychologiques permettent de mieux comprendre comment les Hébreux, lors de leur second exil, entreprirent de réunir les contes issus du premier, puis de les écrire ; quittes à falsifier les généalogies, par exemple pour fabriquer quatorze générations de Moïse à David et autant de David à Jésus, comme l'a montré dos Santos. Inutile de préciser que Dieu n’est pour rien dans tout cela.Version:1.0 StartHTML:0000000105 EndHTML:0000005126 StartFragment:0000002354 EndFragment:0000005090

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11 juin 2015 4 11 /06 /juin /2015 20:12

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Il est plaisant que Tomás Noronha, le héros, soit un simple prof d’université comme moi, avec des dispositions physiques au close-combat plutôt réduites bien que dans chaque volume de José Rodrigues dos Santos il se confronte à plusieurs corps-à-corps. Son attrait pour les belles femmes lui vaut aussi quelques désagréments, dont un que je ne dirai pas, puisqu’il constitue le dénouement de L’ultime secret du Christ.

Noronha, donc, est prof quelque part à Lisbonne, d’histoire, mais spécialité cryptologie : on sent que Dan Brown est passé par là. Et comme tous les sectateurs de l’auteur du Da Vinci Code, il suit un certain nombre de codes du thriller : pas un bouquin à moins de 600 pages, une documentation scientifique peu discutable (mais bien orientée, quand même), un temps du récit très court, mais des milliers de kilomètres en avion, et une bibliographie pesante, où, en l’occurrence, on déplorera que les ouvrages de Mordillat et Prieur, pourtant pertinents, soient ignorés. Tout comme Richard Dawkins, d’ailleurs, mais peut-on, au Portugal, défendre l’athéisme comme unique religion possible pour l’homme libre ? Voir p. 554 sq. de l’édition Pocket (du reste non exempte de fautes de français), qui constituent un agenouillement devant la foi chrétienne, quand que tout le reste de l’ouvrage démontre qu’elle repose sur une stratigraphie de falsifications.

Dos Santos est très bavard, je l’ai dit, ses bouquins comportent des dizaines de pages de démonstrations, sans doute fondées, je ne risque pas de le critiquer sur l’espace-temps einsteinien ni sur le pugilat avec Niels Bohr sur la nature ondulatoire ou particulaire de la lumière, l’habitude des électrons de passer par une infinité d’endroits à la fois, etc. (La clé de Salomon, même éditeur). Je suis plus à l’aise avec sa démolition du Nouveau Testament.

Pour faire bref, trois universitaires de trois nationalités sont égorgés en 24 heures, à Rome, en Irlande et en Bulgarie. Les chapitres courts indiquent que l’assassin est un fanatique nommé Sicarius, qui obéit à un Maître… la surprise étant que le Maître ne sera authentifié que six pages avant la fin, alors que toute l’intrigue mène vers un autre personnage.

Le Sicaire, évidemment gonflé aux hormones du fanatisme des ancêtres qui ont résisté à Masada en 70 et ont préféré s’entre-égorger que se rendre aux Romains, égorge ses victimes comme le Grand Prêtre égorgeait l’agneau sacrificiel à Pessah, pour transférer les péchés de la nation d’Israël (je simplifie, il y a de très longues et précises explications sur les religions juives). Et il laisse à chaque fois un papier avec une énigme en hébreu, araméen et images, bien que celle de la p. 104 puisse aussi s’expliquer… par le latin.

Et à chaque fois, le spécialiste de cryptographie explique à loisir à la belle Valentina, inspecteur de police romaine, à grand renfort de citations précises du NT graece, que le sicaire dénonce les falsifications du corpus évangélique : la virginité de Marie, l’existence de témoin directs de la vie de Jésus, les miracles…

Au terme du raisonnement, il dit avec plus de force la même chose que Mordillat et Prieur (Jésus sans Jésus ; Jésus contre Jésus) : aucun contemporain de Jésus (sauf peut-être Jacques son frère supposé) ne survivait quand les Évangiles canoniques ont été rédigés à partir d’au moins un archétype, et que Paul avait déjà commencé à sévir avant la transcription de cet hyparchétype (issu possiblement d’une tradition orale transmise par Jacques).

Parmi les démolitions ou démonstrations, je ne retiens que les principales :

1. Jésus est bien le fils de Joseph et Marie selon Luc, avant déformations ; la consubstantialité, la Trinité, étaient incompréhensibles aux Juifs, pour qui Dieu est un (certes avec trois noms dont un imprononçable…), ce sont pures inventions du concile de Trente… en 328 après le supposé Jésus-Christ.

2. Le Jésus de Marc-Luc-Matthieu était une sorte de plouc, issu d’un bled (Nazareth, non Beth-leem) où l’on ne parlait pas la langue ecclésiastique mais l’araméen, donc une vague espèce de banlieusard illettré.

3. Cependant il s’oppose aux docteurs du Temple alors qu’il est tout gosse. Dos Santos démontre qu’en fait son père Joseph n’était pas un simple charpentier, mais un entrepreneur, pas vraiment pauvre, que ses enfants avaient appris l’hébreu ecclésiastique et la Torah, que Jésus avait un niveau suffisant pour commenter la Torah dès sa bar-mitsvah, alors que même maintenant il faut aux enfants juifs des semaines de préparation, et qu’un rabbi leur souffle quand ils se trompent dans la lecture.

4. Jésus n’a jamais dit qu’on pouvait oublier les mitsvoth, circoncision, repos de shabbat, interdits alimentaires. Tout cela repose sur des falsifications post-pauliniennes, et vise à attirer les païens (les craignant-Dieu selon l’expression de Mordillat) vers un monothéisme moins contraignant que la rigidité de la Torah.

5. Jésus appartenait à une secte fondamentaliste, très conservatrice et nationaliste, provinciale (mais avec accès à la capitale Jérusalem, au moins pour Pessah, voir le 2 : il fallait se payer le voyage et l’agneau du sacrifice), qui donna naissance aux Nazoréens, aux Ébionites et aux Sicaires.

6. Matthieu et Marc, sans s’en rendre compte (?) falsifient l’ascendance de Jésus en lui fabriquant une généalogie de trois fois 14 générations depuis David : leurs généalogies sont contradictoires et s’opposent aux livres des Rois. Mais ici la guématrie intervient. Il s’agit de fixer un nombre sacré de générations, et de démontrer que la mort du Machia achève un troisième cycle d’événements fondateurs, de David à la libération de Babylone, puis à la libération des Romains.

7. D’autres éléments indiquent que Jésus voulait restaurer une nation d’Israël avec ses douze peuplades issues de Salomon, d’où le nationalisme anti-romain qu’évidemment Paul ne pouvait pas conserver.

8. Il en découle naturellement que Jésus était bien le présumé « roi des Juifs », promis à l’héritage de David.

9. Ce qu’il proposait n’était pas du tout une morale universelle à l’usage des païens, mais une loi pour les Juifs des douze tribus et eux seuls, dans l’espoir de reconstuire le Temple détruit par Pompée en 63 « avant lui » et de détruire le pouvoir d’Hérode, de ses descendants (dont Hérode Agrippa, juif et arabe, formé à Rome, comme le raconte Lattès), des procurateurs comme Quirinius et Pilatius.

Jésus ne s’est jamais adressé qu’aux Juifs, les exhortant à un respect réactionnaire absolu de la Torah, et comme on l’a souvent observé, il reste dans les Évangiles quelques endroits authentiques (selon l’auteur) où il déclare venir en vengeur, avec l’épée et non avec un message de paix.


Les arguments sont particulièrement forts quand ils sont rigoureusement démontrés à une policière catholique romaine… mais l’apparente surprise béate de l’interlocutrice, dont on découvre à la fin qu’elle est un sous-marin de la loge maçonnique P2, considérée comme une police secrète et mafieuse du Vatican, relativise quand même leur portée. D’autant que les arguments de l’universitaire Tomás soutiennent in fine une extrême-droite israëlienne qui veut restaurer la secte des sicaires.

Il reste quelques éléments plutôt contradictoires : qui commande le sicaire ? On croit d’abord que le Maître est le président de cette fondation richissime qui a pour finalité de cloner Jésus, mais finalement c’est la fliquesse italienne avec son compère israëlien. Il faut dire que le Maître en question, qui porte un nom bizarrement turc ou arménien (Arkad Arpan), pense tout simplement qu’à partir de deux brins d’ADN prélevés dans le tombeau de Talpiot et attribués à Yehoshua bar Yehosef il va pouvoir cloner le Christ et rapporter la paix sur la terre ! Évidemment, pour l’émissaire de la loge P2/Vatican comme pour l’extrême-droite israëlienne nationaliste, ce Jésus ressuscité serait élevé dans les préceptes chrétiens, qui sont une trahison du véritable Jésus, qui était un juif pur et dur, ne s’adressant qu’aux Juifs dans l’espoir de reconstruire le Temple, le Kodesh Hakodashim ou Saint des Saints, nom d’ailleurs donné par Arkad Arpan au complexe fortifié où il séquestre les chrormosomes du Christ…


L’auteur se protège sous une bibliographie épaisse, mais la manière dont il interprète la documentation pour développer son intrigue est quand même un peu légère. Premier point ennuyeux, il considère Jésus fils de Joseph comme un personnage historique et unique, pas fils de Dieu bien sûr mais bien de Marie, qui avait des frères, une femme au moins (la Mariamne de la tombe de Talpiot, ou Marie de Magdala ?), qui aurait à lui seul accompli tous les exploits relatés – et déformés, ou inventés – dans les évangiles synoptiques. Je suis d’un avis différent : il y avait tant de prophètes, de thaumaturges et de résistants, plus au moins fanatiques, dans la période post-macchabéenne, contre les oppresseurs grecs et romains, que la légende a très bien pu, dès l’époque claudienne ou trajane, fabriquer un héros unique à partir de différents prédicateurs authentiques. Que le libérateur choisi ait porté un nom symbolique (Jésus, fils de Joseph, rien de plus banal comme l’observe Tomás, mais il en va de même pour Jeanne Darc) me paraît infiniment probable. Que l’un des innombrables prophètes ait été réellement crucifié comme résistant à l’absolutisme romain, c’est probable, et qu’un parti nationaliste et conservateur se soit revendiqué de ce héros, d’accord. Qu’il ait été ensuite enterré à Talpiot (par souscription, parce que si c’était bien un nazaréen, il ne devait pas pouvoir s’offrir le Père-Lachaise de l’époque), admettons encore.

Tout le reste est fable : n’oublions pas que les Évangiles sont des écrits grecs, et pas l’œuvre de Grecs érudits comme le dit Dos Santos, mais de copistes qui écrivaient une sorte de koinè très mécanique, proche de la litanie orale (exception : l’évangile de Jean, qui est une vulgarisation néo-stoïcienne complétée d’un récit, à mon avis d’une autre main). Les Grecs, on le sait, étaient des inventeurs professionnels de mythes, au point que celui de Romulus, par exemple, leur a été commandé au ive siècle (voir quelques articles de l’époque où j’enseignais).

La différence étant que la vulgate romuléenne fut commandée et réalisée quatre siècles après la vie du supposé Romulus (légendaire, mais peut-être, pour faire plaisir à Grandazzi, fondée sur quelques personnages authentiques), alors qu’entre la crucifixion de Yessouah et la rédaction des fables il n’y eut qu’un demi-siècle, et Paul avait déjà commencé à sévir.

Dès lors, puisqu’on sait très bien quels intérêts servaient les rédactions de la légende romuléenne – la république nobiliaire qui commençait à devenir impérialiste –, il faut se demander à qui, à quoi servaient les évangiles. La réponse est assez claire, à mon avis.

P.S. Sur la Loge maçonnique P2 : premier point, c’est la mode depuis Dan Brown de coller partout des Illuminati, des francs-maçons, de l’alchimie, etc. Le grand mic-mac, comme disait Alexandre Vialatte… qui fait vendre. Dans La clé de Salomon, l’épisode final se déroule dans le Temple de la Grand Loge de Washington, mais je crois que l’auteur lui prête un décor égyptisant qui doit être celui de Philadelphie, mais je ne suis pas sûr (réponse, sans doute, sur Wiki). En tout cas, je ne connais pas de temple maçonnique où l’on entre par les toits ou par une porte de service ! Dans La formule de Dieu, j’ai oublié si l’auteur avait usurpé quelque fantaisie pseudo-maçonnique, mais je peux vérifier. Dans le cas présent, c’est assez simple : autant qu’on sache, la loge Propaganda 2, avec un pareil titre distinctif, n’aurait jamais été enregistrée par la Grande Loge d’Italie. Il s’agit donc de ce qu’on appelle une fraternelle, réunissant des VIP de la banque, de l’industrie, de l’église vaticane probablement, pour des réunions d’aspect maçonnique suivies d’agapes copieuses où l’on traite des affaires totalement profanes… mais entre fratelli. On peut supposer qu’elle existe toujours, malgré quelques affaires judiciaires connues, mais de manière plus… discrète.
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7 juin 2015 7 07 /06 /juin /2015 19:08

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Jean-Claude Lattès d’un côté, Petra de l’autre.

On pouvait s’y attendre, over-blog n’est pas franchement devenu payant, mais les services gratuits y sont de plus en plus limités. Quand ils deviendront inexistants, j’arrêterai de communiquer sur mon site voué à la Sorbonne (au départ), Sorbonne où je n’ai plus rien à f… puisqu’elle m’a laissé partir sans regret, de part ni d’autre, avec une retraite de misère, parce que mon excellent jury de thèse, composé de vieux « amis » de trente ans, m’a fabriqué un rapport de soutenance tellement dégueulasse que j’ai fini maître de conférences… mille € mensuels de moins qu’au grade de prof que je méritais largement.

Mais enfin, laissons les minables à leurs magouilles. J’ai trouvé chez Pocket un roman de Jean-Claude Lattès, que je connaissais comme éditeur, et qui aurait pu faire mieux comme historien. Son bouquin s’intitule Le dernier roi des Juifs et relate, excellemment, les relations et les généalogies d’Hérode et Mariamne jusqu’à ce dernier roi des Juifs d’Israël/Judée/Galilée, lié par des relations familiales compliquées, tout autant que par des beuveries partagées, avec Caligula, son « frère ». Lattès en relate une épopée assez dionysiaque, faisant d’Hérode Agrippa un digne successeur de Marc Antoine et égal de Tibère en cruauté et en faculté de rebondissement. C’est fort bien fait, et si je n’ai plus trop le détail en tête au bout de quelques mois, j’ai surtout relevé quelques erreurs mineures : le Laureolus, cette farce sanglante que les empereurs faisaient jouer dans l’arène avec exécution du personnage principal, n’est pas de Catulle (p. 199 de l’édition Pocket), le sénat ne risque pas de siéger jusqu’à quatre heures du matin puisqu’il fermait ses travaux au coucher du soleil (p. 208), la définition de la civitas est fausse (p. 218 n.), mais sur la partie orientale du récit je n’ai rien trouvé à redire… ma compétence étant quand même encore limitée dans ce domaine que j’étudie tant qu’il me reste quelques capacités intellectuelles.

Item, j’ai vu passer à maintes reprises (voici déjà trois mois, mais on les reverra) sur arte des documentaires bien informés sur Petra et les Nabatéens. Les documentaires (répétition volontaire) repassant en boucle pendant plusieurs semaines, j’en retiens surtout l’étude détaillée des citernes et canaux qui alimentaient la cité cachée en plein désert, ces travaux énormes qui faisaient de Petra une oasis artificielle alimentée uniquement, mais au niveau d’une ville comme Rome, par la captation des eaux pluviales. Du commentaire, je retiens surtout que Petra fut asséchée économiquement par les Romains vers le même moment (70-80 après J.-C.) où ils utilisaient leur habituelle force brutale pour réduire les derniers résistants juifs à Massada, après avoir détruit le Temple de Jérusalem.

Géographiquement, il n’y a guère qu’une grosse centaine de kilomètres entre les deux cités, et l’histoire comparée de l’une et de l’autre tend à montrer simplement que le monstre impérialiste romain usait à la fois de la violence militaire et de l’isolement économique pour venir à bout de tout ce qui osait lui résister. J’y reviendrai à propos de Zénobie et de Palmyre.

Une petite hypothèse pour finir : les exploits hydrauliques de Petra, avec ces dizaines de kilomètres de canaux et les fameuses 200 citernes, rappellent bien l’hydraulique étrusque dont Rome s’est inspirée… ou plutôt que les Romains ont volée. Les façades des tombes rupestres (précisons : le reportage d’arte indique que seules les tombes monumentales des riches avaient vue sur la ville) devraient imposer un nouveau regard sur les tombes rupestres du sud de l’Étrurie, qui sont plus anciennes et dépendent, pour leur esthétique, d’une Grèce bien plus archaïque. L’avis le plus récent des linguistes qui connaissent… est que les Étrusques (enfin, le 1% maximum qui écrivait en caractères phéniciens passés par Chalcis) parlaient une langue micrasiatique, on connaît par une inscription un etera (équivalent du client romain, autant qu’on sache) qui s’appelait aqiba en étrusque, ce qui traduit probablement un Jacob de la tribu d’Israël, devenu étrusque ; la dynastie d’Hérode Antipas était arabe, les mariages l’allièrent avec les Juifs et avec les Grecs, et donc toute distinction de nature raciale dans le bassin méditerranéen est historiquement nulle et non avenue. Juifs et Palestiniens sont frères, un jour ou l’autre il faudra bien qu’on le leur dise… et surtout qu’ils en tiennent compte.

Il est d’ailleurs regrettable que les manuels utilisés par nos étudiants, dont ceux de la collection Nouvelle Clio, qui datent des années 60-70, ne laissent qu’une place restreinte à la Judée et à la Palestine, dont les historiens romains contemporains d’Auguste et de Tibère n’ont pas compris clairement l’importance. La fortune historique de Ièsous fils de Joseph, connu de Pline le Jeune et de Tacite comme Chrestos, et l’incendie de Rome attribué à ses fanatiques, ont également contribué à obscurcir les récits du Ier siècle, surtout à travers le prisme déformant des écrits dits pauliniens et de la normalisation constantinienne. La survalorisation, par des romanciers incompétents, des écrits de Qûmran et de la secte essénienne, ont contribué à obscurcir l’histoire, qu’il serait temps de réécrire d’un point de vue qui ne soit ni romanesque, ni mystique, ni romanocentrique.

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6 juin 2015 6 06 /06 /juin /2015 19:55

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Jean-Claude Lattès d’un côté, Petra de l’autre.

On pouvait s’y attendre, over-blog n’est pas franchement devenu payant, mais les services gratuits y sont de plus en plus limités. Quand ils deviendront inexistants, j’arrêterai de communiquer sur mon site voué à la Sorbonne (au départ), Sorbonne où je n’ai plus rien à f… puisqu’elle m’a laissé partir sans regret, de part ni d’autre, avec une retraite de misère, parce que mon excellent jury de thèse, composé de vieux amis, m’a fabriqué un rapport de soutenance tellement dégueulasse que j’ai fini maître de conférences… mille € mensuels de moins qu’au grade de prof que je méritais largement.

Mais enfin, laissons les minables à leurs magouilles. J’ai trouvé chez Pocket un roman de Jean-Claude Lattès, que je connaissais comme éditeur, et qui aurait pu faire mieux comme historien. Son bouquin s’intitule Le dernier roi des Juifs et relate, excellemment, les relations et les généalogies d’Hérode et Mariamne jusqu’à ce dernier roi des Juifs d’Israël/Judée/Galilée, lié par des relations familiales compliquées avec Caligula, son « frère ». Lattès en relate une épopée assez dionysiaque, faisant d’Hérode Agrippa un digne successeur de Marc Antoine et égal de Tibère en cruauté et en faculté de rebondissement. C’est fort bien fait, et si je n’ai plus trop le détail en tête au bout de quelques mois, j’ai surtout relevé quelques erreurs mineures : le Laureolus, cette farce sanglante que les empereurs faisaient jouer dans l’arène avec exécution sanglante du personnage principal, n’est pas de Catulle (p. 199 de l’édition Pocket), le sénat ne risque pas de siéger jusqu’à quatre heures du matin puisqu’il fermait ses travaux au coucher du soleil (p. 208), la définition de la civitas est fausse (p. 218 n.), mais sur la partie orientale du récit je n’ai rien trouvé à redire… ma compétence étant quand même encore limitée dans ce domaine que j’étudie tant qu’il me reste quelques capacités intellectuelles.

Item, j’ai vu passer à maintes reprises (voici déjà trois mois, mais on les reverra) sur arte des documentaires bien documentés sur Petra et les Nabatéens. Les documentaires (répétition volontaire) repassant en boucle pendant plusieurs semaines, j’en retiens surtout l’étude détaillée des citernes et canaux qui alimentaient la cité cachée en plein désert, ces travaux énormes qui faisaient de Petra une oasis artificielle alimentée uniquement, mais au niveau d’une ville comme Rome, par la captation des eaux pluviales. Du commentaire, je retiens surtout que Petra fut asséchée économiquement par les Romains vers le même moment (70-80 après J.-C.) où ils utilisaient leur habituelle force brutale pour réduire les derniers résistants juifs à Massada, après avoir détruit le Temple de Jérusalem.

Géographiquement, il n’y a guère qu’une grosse centaine de kilomètres entre les deux cités, et l’histoire comparée de l’une et de l’autre tend à montrer simplement que le monstre impérialiste romain usait à la fois de la violence militaire et de l’isolement économique pour venir à bout de tout ce qui osait lui résister. J’y reviendrai à propos de Zénobie et de Palmyre.

Une petite hypothèse pour finir : les exploits hydrauliques de Petra, avec ces dizaines de kilomètres de canaux et les fameuses 200 citernes, rappellent bien l’hydraulique étrusque dont Rome s’est inspirée… ou plutôt que les Romains ont volée. Les façades des tombes rupestres (précisons : le reportage d’arte indique que seules les tombes monumentales des riches avaient vue sur la ville) devraient imposer un nouveau regard sur les tombes rupestres du sud de l’Étrurie, qui sont plus anciennes et dépendent, pour leur esthétique, d’une Grèce bien plus archaïque. L’avis le plus récent des linguistes qui connaissent… est que les Étrusques (enfin, le 1% maximum qui écrivait en caractères phéniciens passés par Chalcis) parlaient une langue micrasiatique, on connaît par une inscription un etera (équivalent du client romain, autant qu’on sache) qui s’appelait aqiba en étrusque, ce qui traduit probablement un Jacob de la tribu d’Israël, devenu étrusque ; la dynastie d’Hérode Antipas était arabe, les mariages l’allièrent avec les Juifs et avec les Grecs, et donc toute distinction de nature raciale dans le bassin méditerranéen est historiquement nulle et non avenue. Juifs et Palestiniens sont frères, un jour ou l’autre il faudra bien qu’on le leur dise… et surtout qu’ils en tiennent compte.

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19 mars 2015 4 19 /03 /mars /2015 18:56

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Le film documentaire de Fabrice Hourlier, intitulé L’avenir de Rome, recommence à tourner en boucle sur arte, par épisodes (Philippes, Actium). Cela fait cinq ans que j’en entr’aperçois des morceaux, et à la longue il devient agaçant à cause des effets spéciaux : masses de fantassins groupés par cohortes, mouvements de troupes filmés comme par un hélico en rase-mottes, à toute vitesse, maquettes 3D de Rome ou d’Alexandrie, visions sanguinolentes… cela devient franchement rasant.

Les personnages, Brutus, Cassius, Antoine, Cléopatre, s’expriment en latin ou en grec, de manière emphatique (on croirait des acteurs shakespeariens), mais parfaitement compréhensible… assez pour saisir d’occasionnelles fautes de grammaire.

Historiquement, rien à dire : c’est Paul-Marius Martin qui a supervisé la partie scientifique, et le commentaire, même s’il est lui aussi un peu emphatique, n’est pas critiquable. Mais a-t-on besoin de toutes ces images de synthèse ? Le réalisateur n’a pas compris que les grands spectacles issus de Cecil B. de Mille (Les dix commandements) sont ringards à notre époque ?

Enfin, si ça pouvait inciter nos étudiants à relire Homère, Virgile et Lucain… dans le texte. On peut rêver !

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18 février 2015 3 18 /02 /février /2015 20:24

Le docu de Jean-Jacques Beineix repasse sur arte à 16 h 30, en version partielle de 50'. Je suis tombé dessus par hasard (enfin, je pense que c'est le même, saucissonné), et il y a des choses bien intéressantes. Que ceux que cela intéresse surveillent les programmes, en général arte rediffuse pendant un bon moment.

Ces dernières semaines, la chaîne passait en boucle des docus sur la retraite de Russie, et je dois dire que la manière dont Koutouzov a forcé Bonaparte à faire retraite par une route qu'il avait dévastée trois mois avant m'a donné à réfléchir sur ce qu'aurait pu faire Vercingétorix pour venir à bout de César… à condition de relire César à la lumière de cet événement d'une autre époque.

Le titre : les Gaulois au-delà de la légende. J'ai bien apprécié le collègue qui dit que César a raconté un mythe et pas une histoire, et que si ses écrits avaient disparu… l'on ne raconterait pas l'histoire de la même façon du tout, à partir de l'archéologie qui en raconte une bien différente.

Mais il ne faut quand même pas accuser César d'avoir inventé les druides grimpant aux chênes en toge blanche pour cueillir le gui avec une serpe d'or : cela, c'est une invention de Châteaubriand à partir de sources britanniques médiévales.

Complètement à part, je viens de découvrir le deuxième bouquin de David Gibbins, Les dieux d'Atlantis, 500 pages serrées quand même, avec tous les ingrédients du thriller : plongées dans des volcans en activité, bombardiers en perdition, vieux et nouveaux nazis, gangs d'assassins internationaux, les valeureux héros qui risquent leur peau et échappent à tout… Mais il est intéressant d'avoir un éclairage un peu romancé sur les projets de l'Anhenerbe, ce groupe constitué par Himmler pour retrouver une prétendue civilisation supérieure venue du Grand Nord, prétexte parmi d'autres pour voler des œuvres d'art un peu partout, la folie délirante du régime nazi entre ses débuts et sa fin à Berlin, la survie de certains criminels recueillis en Amérique latine et ailleurs, plus près de nous.

À travers le fatras du thriller, plutôt pesant dans ce deuxième volume, l'auteur développe cette idée que les débuts du néolithique auraient vu la naissance des dieux à figure humaine, face à des héros mythifiés comme Gilgamesh et Noé, anciennement chamans paléolithiques. Il y a des arguments scientifiques pour suggérer que les Déluges légendaires ne reflètent pas un épisode volcanique méditerranéen de l'Âge du Bronze, mais l'élévation des mers à la fin de la dernière glaciation… donc six bons millénaires plus tôt.

Que des légendes aient été transmises pendant 10.000 ans avant d'être écrites pour les premières fois, en assyrien, égyptien ou grec, c'est parfaitement possible. Que le néolithique ait amené des castes de prêtres tout-puissants, c'est maintenant évident. Que des paléolithiques aient atteint l'Australie, c'est constaté (vers 35 millénaires) ; pour l'Amérique, c'et bien possible. Mais il est regrettable que l'auteur, lui-même docteur en archéologie à Cambridge, télescope toute ces périodes pour finalement admettre une expansion indo-européenne qui correspondrait à un très ancien néolithique, au VIIe millénaire. Ce qui rencontre les idées déjà anciennes de Renfrew. Mais beaucoup d'épisodes épiques sur quelques données scientifiques en cours de vérification, c'est assez fragile. Suggestif, mais ambigu. Et 250 pages auraient sufffi, mais c'est le genre qui veut qu'on sorte des pavés.

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27 janvier 2015 2 27 /01 /janvier /2015 19:57

Version:1.0 StartHTML:0000000188 EndHTML:0000006916 StartFragment:0000002437 EndFragment:0000006880 SourceURL:file://localhost/Users/richard/Desktop/Les%20Gaulois%20selon%20Jean.doc

Les Gaulois selon Jean-Jacques Beineix.

 

Enfin un documentaire, montré sur arte le 24 janvier, que je ne vais pas démolir ! enfin, pas complètement.

Déjà, il évite de parler d’Alésia, même si l’on voit au début et à la fin l’horrible Vercingétorix d’Aimé Millet qui surveille le site inadmissible, tel l’Immaculée Concception qui veille sur Neuvy-Sautour ou la statue du Saint-Esprit qui domine Varzy depuis le Mont Châtelet, tous témoignages de superstitions impérialistes. Car, comme le dogme paulinien qui trahit l’histoire juive, le dogme napoléonien doit impressionner les masses incultes d’idoles monstrueuses, tel ce Baal-Melquart creux que, selon Flaubert, on nourrissait d’enfants. Tous les dogmes sont creux, et celui que Beineix veut déboulonner, c’est l’image des Gaulois rustiques, sauvages, chasseurs, fabriquée entre autres à partir de ce que Tacite dit… des Germains.

Son projet passe par des exemples d'urbanisation, mais il s'attarde sur Corent et le Beuvray qui datent de la fin du IIe siècle, alors que le Mont Lassois, la Heuneburg, Manching… sont de quatre siècles plus anciens et contemporains des villes étrusques, dont Rome.

Sur la forme, le documentaire n’échappe pas à la mauvaise loi du genre qui veut qu’on saute du coq à l’âne, sans laisser le temps de réfléchir, de la cuisine à l’architecture, aux textes, aux analyses polliniques, du Beuvray à La Tène, d’un chantier d’autoroute à la reconstitution 3D de Corent, de la fabrication des monnaies à l’importation des amphores.

Mais au moins l’on ne voit pas, comme souvent, les érudits dans une bibliothèque universitaire en bois massif (sauf Laurent Olivier, filmé au MAN qu’il dirige, mais aussi sur un chantier), mais sur le terrain. Comme la plupart sont de ma génération, je ne vais pas me répandre en éloges, mais Anne Flouest, qui concocte des mets gaulois au pied du Beuvray, dit excellemment que les Gaulois consommaient de la viande d’élevage à 90% et très peu de sanglier, Katherine Gruel, de Châteaumeillant des Bituriges, nous éclaire sur la circulation des monnaies et les équivalences pondérales entre la drachme de Marseille, le demi-sesterce romain et le denier du centre de la Gaule, sujet pas facile.

J’ai apprécié qu’on parle enfin de l’exploitation du sel à Marsal dans la vallée de la Seille, en Moselle, sujet qu’un de mes étudiants avait mentionné vingt ans avant les fouilles extensives récentes. Moins qu’on passe de la prise de Delphes (179) à la prise de Rome (390) et aussitôt au traître éduen Diviciacos.

Ce druide était ambassadeur et ami personnel de Cicéron, qui n’en traitait pas moins les Gaulois de barbares sanguinaires dans son Pro Fonteio, et c’est l’occasion de montrer l’avocat plaidant devant le sénat (dans une curieuse configuration, le sénat ressemble à un Odéon). On se serait passé de cette guignolade, mais c’est l’occasion de raconter comment César a fabriqué un registre d’images qui a inspiré Ernest Lavisse et tous les historiens admirateurs de la « civilisation » italo-romaine, et les manuels scolaires…

Enfin, Beineix ou ses commanditaires usent sans abuser d’Obélix sans se rendre compte, au moins sans préciser, que Goscinny était l’un des écrivains majeurs de son siècle, et que toute son œuvre est un regard décalé sur l’enfance, donc sur les manuels et leur idéologie fascisante… toujours au second degré, bien sûr, mais c’est peut-être une notion que Beineix ignore.

Seulement, il aurait fallu trois heures de plus, et la télévision fonctionne par formats. Ce sujet-là, apparemment, ne méritait qu’une heure trente.

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28 novembre 2014 5 28 /11 /novembre /2014 19:13

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Le Jules César de Stéphane Bern.

 

Le sympathique animateur se lance dans l’histoire ancienne un peu différemment de ses habitudes et plus selon les normes des documentaires d’arte. J’ai eu quelques craintes en le voyant gesticuler au début dans un Colisée reconstitué (l’édifice a 120 ans de moins que César), mais comme ensuite on circulera dans le forum tardo-républicain de Cinecittà, qui est à peu près vraisemblable, passons là-dessus : le vrai centre de Rome est illisible, sauf pour Fillippo Coarelli qui sait en raconter le moindre caillou.

On dit tout de suite que César s’est rêvé en nouvel Alexandre, mais sans mentionner que son premier contact avec l’Orient fut cette mission, à 18 ans, à la cour de Bithynie. Il s’agissait d’échapper à Sulla qui voulait l’exterminer (au sens propre, c’est-à-dire l’expédier loin, mais la légende a depuis longtemps installé l’idée que César changeait d’hôtel chaque nuit  pour échapper aux proscriptions). Plutarque, grand inspirateur de cette émission, dit que le jeune ambassadeur servit d’échanson au roi Nicomède et finit dans son lit… ce qui est douteux, puisque cela aurait fait de César un cinaedus, un mollis, et que si l’homosexualité active était l’un des privilèges du dominus, la version passive disqualifiait d’office le candidat à toute magistrature, à tout commandement militaire.

On est ici dans une série de légendes de l’adolescence (les pirates et leur châtiment…) qui ont été développées à la gloire de César dans sa carrière politique ultérieure, mais ont été surinterprétées par ses adversaires politiques. Le moechus calvus ou séducteur chauve, « l’homme de toutes les femmes », c’étaient d’élégants slogans plus que des blagues de légionnaires un jour de triomhe, mais « la femme de tous les hommes », cela n’aurait pu passer dans la vraie vie politique romaine. C’est un peu surprenant que ni Claude Aziza ni Paul-Marius Martin n’évoquent cette déformation de la légende, alors que ce dernier dit bien que les campagnes de Bretagne (mais aussi, comme propréteur, ses marches vers la Lusitanie et donc déjà l’Atlantique) visaient à le poser en nouvel Héraklès.

L’émission cesse vite de suivre le fil chronologique, puisqu’on voit très vite quelqu’un indiquer une pointe de fer toute neuve, entourée de quelques cailloux, comme preuve que… l’archéodrome existe ; qu’on mentionne l’épilepsie en début de carrière, alors que Suétone ne la documente que beaucoup plus tard ; on passe ensuite au théâtre de Fourvière, comparée au Colisée, à la perle de six millions d’euros offerte à Servilia, mère de Brutus, à la divination et au foie de Plaisance, qui n’a rien à voir. Donc une succession hypnotisante de scènes spectaculaires entrecoupée de commentaires parfois très pertinents (Martin, Coarelli, Canfora), parfois moins.

Évocation très rapide du début 52 et de la bataille du Morvan, mais sans mentionner que César retint une partie des Helvètes, les Boïens, pour garder le sud-ouest de la Bourgogne des Bituriges et des Arvernes.

S’il est clairement dit qu’en fuyant Gergovie César était presque détruit, on s’empresse de revenir au Disneyland d’Alise-sainte Reine et à d’ignobles images de synthèse. Franck Ferrand a juste le temps d’évoquer la thèse de Berthier, avec ce commentaire que « personne ne s’était avisé d’aller situer Alésia dans le Jura » (ce qui est faux, le mythe d’Alaise est contemporain de celui d’Alise), et on lui coupe la parole pour la repasser à un partisan d’Alise. Magie du montage…

Au passage j’ai cru entendre que la mission en Gaule échéait au consul César, c’est faux : il était proconsul et pendant toute sa mission, devant rester en armes, la religion lui interdisait de rentrer en Italie (dont une frontière était le Rubicon, une autre, plus notoire, l’Arno ; d’où la réunion du triumvirat à Lucques). Donc dire que le 11 janvier il rentre à Rome, c’est encore une énorme ânerie : il prit soin au contraire de se tenir à l’écart en longeant la côte adriatique vers Brindes, avec un crochet par Corfinium, et ne repassa par Rome que pour récupérer les trésors oubliés par Pompée dans sa fuite, avant de le suivre par-delà l’Adriatique.

De même l’assassinat de Pompée aurait lieu à Alexandrie même, alors que seule sa tête coupée y arriva. Le téléspectateur qui a encore un peu suivi tombe alors sur un très sérieux commentaire d’Irène Frain : Cléopâtre aurait dû se faire refaire le nez ! Cela laisse à penser que les propos des excellents chercheurs de ma génération ont été caviardés pour offrir du temps de cerveau disponible au superficiel et à l’artificiel. D’ailleurs on termine à Cinecittà et dans quelques coins de Pompéi dont on cache la misère.

En chronométrant les temps de parole, on pourrait admettre que l’équipe de Danièle Porte n’a pas été défavorisée, mais le montage la montre toujours hors contexte, et si on la voit tel Nelson penchée avec ses officiers sur une table à cartes, c’est sans faire le lien avec le paysage. Et bien sûr par une seule mention n’est faire des raisons qui obligent à aller chercher Alésia en rive gauche de la Saône (ni d’ailleurs de la Saône elle-même, qui a son importance tout au long de la guerre, et bien avant, et bien après) ; ni des sites moins reculés qui mériteraient d’être étudées.

Bref, on a vu pis, mais c’est quand même encore une supercherie.

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26 novembre 2014 3 26 /11 /novembre /2014 19:23

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La dernière tentation du Christ

 

 

Ce film de Scorsese a fait scandale auprès des autorités du bigotisme vaticanesque, et pourtant il n’a rien de bien méchant : cela fait lurette que les moins dogmatiques admettent que Yessouah ben Youssef était un jeune juif intégré en Samarie, et que comme tout le monde il avait fait sa bar-mitsvah et s’était soumis à l’obligation de se marier et de procréer.

Son nom étant à peu près aussi fréquent que John Smith ou Pierre Dupont, un point de vue historique raisonnable est que les rédacteurs de la légende aient rassemblé les légendes de plusieurs prophètes et choisi l’un d’eux pour devenir à la fois le Chrestos (bienfaiteur) et le Christos (oint), l’aient fait mourir à une trentaine d’années, et qu’un homonyme ait effectivement vécu jusqu’à rencontrer Paul en 70. Nous sommes en milieu très hellénisé, les Grecs détestent les Romains tout autant que les Hébreux, et à juste titre ; il faut tenir compte de la capacité helllénique à fabriquer des mythes.

Ce sont plus les juifs que les chrétiens qui devraient être scandalisés : Judas est franchement rouquin (une couleur de cheveux qu’on n’aimait pas, voyez Pyrrhos/Néoptolème, le fils d’Achille), Jésus plutôt blondinet, et Paul une caricature de juif comme on ne l’avait guère osé depuis les années 40.

Il est contradictoire et inexplicable que Yehudah trahisse Yessouah à sa propre demande, et que mourant de vieillesse Yessouah soit salué rabbi par Shimon connu sous le nom de Pierre. En présence de Yehudah, décidément increvable… 

Seulement ce Yessouah n'est pas le Christ ! Le film suggère que Paul, ce déplaisant politicard fanatisé, a mis fin à la fois au judaïsme et au christianisme ; du moins dans la partie la plus hellénisée et romanisée de la Méditerranée.

Si l’on n’admet pas que le récit néo-testamentaire n’est qu’une des nombreuses mythologies fabriquées à partir des prophètes d’avant Titus, il faut entortiller encore plus le récit : par exemple en imaginant que le sacrifié du Mont des Oliviers est Thomas ou Didyme, les noms génériques des jumeaux en hébreu et en grec. C’est de cet autre mythe qu’est parti Didier Convard, scénariste des BD qu’on connaît.

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15 octobre 2014 3 15 /10 /octobre /2014 18:44

J'ai laissé quelques approximations avant-hier, mais heureusement le même docu est repassé hier. Les balles dont Andrew Young suppose qu'elles ont servi de roulements à billes dans le sud-ouest de la Grande-Bretagne proviennent en fait du NE de l'Écosse : même diagonale à peu près qu'entre Strasbourg et Pau. Cela fragilise son raisonnement. D'autre part ces balles, qui font 75 mm de diamètre et pas 72 sont abondamment décorées par martelage : est-ce que cela valait la peine pour de l'outillage ? Il est vrai que les néolithiques ne pleuraient pas leur temps, quand on imagine le temps qu'ils ont passé à polir des haches pour abattre des arbres…

Mais attention ici, les haches polies qu'on voit dans les musées, si elles ont été  trouvées abandonnées au sol ou perdues, peuvent bien avoir servi au bûcheronnage ; mais la plupart viennent de sépultures et sont des objets de prestige ; les plus spectaculaires (= celles qui fossilisent le plus de force de travail) sont les bipennes naviformes, sur lesquelles, en plus d'un long bouchardage et d'un encore plus long polissage, on passait des journées à percer un trou parfaitement cylindrique : percer de la pierre dure avec un foret en pierre à peine plus dure, c'est plus compliqué que de les emmancher avec des lambeaux de cuir et de la glu. De nos jours, on utilise des forets diamantés, qui s'usent très vite.

J'avais également mal retransmis le poids moyen d'une blue stone : 3,3 tonnes, ce qui n'est déjà pas si mal. Reste que l'expérimentation de Young est convaincante à condition que les rails soient en chêne (qui ne pousse pas, autant qu'il me souvienne, autour de Salisbury, mais pourquoi pas l'importer aussi ?), et que le sol soit aplani sur toute la longueur du trajet terrestre. Ce qui signifie que la société qui voulait ériger ces monuments pouvait entretenir un bataillon de cent hommes pendant des semaines. C'esr dire la puissance de la religion, concomitante à celle de l'aristocratie.

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