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16 août 2013 5 16 /08 /août /2013 19:53

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Le suaire de Turin (arte, vendredi 9 août 2013).

 

Ce n’est pas la saison des marronniers, mais on nous ressert le suaire de Turin, qu’il faudrait d’ailleurs appeler suaire de Troyes, parce que c’est là qu’il a été repéré comme relique prétendument importée de Palestine, et peut-être là, dans cette ville à la tradition textile déjà ancienne, qu’il a été fabriqué, au xiiie ou xive siècle, comme l’ont montré les seules études 14C, déjà anciennes, que je connaisse par des revues comme Historia et Sciences et Avenir.

Précisons que le carbone 14, méthode fondée sur l’arrêt de l’absorption de carbone radioactif atmosphérique par les tissus vivants à leur mort, et sur la période moyenne de l’élément (demi-vie = perte de la radioactivité à 50%, soit 5730 ans en principe), est analysé en fonction de courbes hyperboliques qui perdent toute précision au-delà de 10 demi-vies, soit 50.000 ans, mais ne sont pas très fiables en-deçà d’un dixième de la demi-vie, soit cinq siècles. De plus la dilution dans l’atmosphère, depuis plus d’un siècle, de fumées issues de composés carbonés fossiles (pétrole, gaz) dépourvus, par principe, de radiocarbone, perturbe l’acquisition du 14C au point que la méthode n’est d’ores et déjà plus utilisable. D’autres biais comme l’enfouissement profond peuvent aussi la rendre peu fiable.

Mais de là à prétendre que le suaire serait vraiment contemporain de Yessouah ben Youssef dit Jésus ou le Christ, il y a une distance que le « documentaire » s’abstenait de franchir.

À part cela, le film démarrait très mal, avec un « spécialiste d’études sismiques et géologiques » qui fait apparaître, sur une machine compliquée mais pourvue d’un écran, des textes bien nets, en noir, en caractères quasi d’imprimerie, dont on entrevoit IHΣOUS NAZARENVS et des caractères, peut-être en hébreu, que je n’ai pas eu le temps de recopier. Argument : Constantin (celui qui officialisa la religion chrétienne en 324) aurait interdit l’adjectif Nazareus, donc le suaire est antérieur à ce brave empereur. La netteté de l’inscription, ainsi que la coexistence dans le même mot d’un sigma grec et d’un S latin, le tout en lettres capitales alors que sur tissu l’on ne risquait d’écrire qu’en cursive, tout cela signe le faux, la supercherie, l’escroquerie absolue.

Un autre « savant » vient expliquer que les textes qu’on croit lire sont un effet de la paraeidolie (comme quand on voit des animaux dans les nuages) ; lui n’a jamais vu aucune inscription : quand on a vu (fugacement, il est vrai, pour mieux enfumer les spectateurs passifs) des inscriptions fictives aussi nettes, il est évident qu’il n’excuse pas, mais qu’il détruit la séquence précédente.

Arrive, selon la technique habituelle qui consiste à sauter du coq à l’âne, une « scientifique » de branche inconnue, nommée Barbara Fraley, et qui sort de Desperate Housewives(d’ailleurs toutes ces « scientifiques » siliconées ont la gueule d’actrices de séries amerlaudes), qui a carrément lu sur le suaire un certificat de décès : « en l’an 27 de notre ère, Jésus le Christ condamné par l’empereur Tibère, a été rendu aux siens pour être enterré… ».

Retour du carbone 14 : on ne conteste pas que l’échantillon analysé date d’environ 1350, mais comme il a été prélevé en périphérie du linceul, l’analyse est seulement « réputée » objective (je résume à peu près, parce que je griffonne toujours des notes à mesure, alors que j’ai un dictaphone ; promis, la prochaine fois, je l’utiliserai).

Retour du savant ci-dessus, un barbu sympa, qui s’appelle Barry Schwortz. Il évoque une action chimique  provoquée par une herbe qu’il appelle saponaire (Saponaria Officinalis, famille des Caryophyllacées, comme les œillets et les silènes). Mais l’herbe présentée n’est pas une saponaire, et la saponaire ne contient pas particulièrement de sucres.

Et voici un archéologue italien (Luigi Garmaschelli) qui tente une expérience d’impression sur tissu avec un bas-relief antique et des poudres. Bien sûr, l’expérience ne convainc pas la voix du récitant, et pour cause : le bas-relief n’est pas de la matière vivante. Et voici un nouveau spécialiste amerlaud, nommé Nicholas Allen, qui déclare que la photo a été inventée au ve siècle avant J.-C. : la preuve, le fameux texte de Platon sur le mythe de la caverne démontre que la camera oscuraest une invention grecque (pourquoi pas égyptienne, puisque comme chacun sait la pensée de Platon vient de là-bas) et que le suaire est donc une photo ! Mais comme il faut un révélateur, le nitrate d’argent, on explique doctement qu’il a été lavé… à l’ammoniaque.

J’oubliais une autre expérience réalisée avec le cadavre d’un porc…

Donc, voici la question sérieuse : est-ce que le suaire est une photo du Christ réalisée selon un procédé grec ou égyptien connu depuis longtemps, ou est-ce qu’on l’a fabriqué avec un cochon longuement macéré dans un tissu de lin ?

Conclusion, je cite à peu près : « Si cette théorie est la bonne, ceux qui croient que le suaire est le linceul du Christ ne seront pas convaincus. Mais… ».

Enfin Nicholas Allen revient sur scène pour proposer une synthèse qui paraît plus vraisemblable : qu’au xive siècle on ait réalisé une œuvre artistique de propagande ; ce qui colle plutôt bien avec l’histoire, puisque les images propagandistes fondées sur la crucifixion apparaissent aux environs de 1250 (en fait il y en a de gravées dans les catacombes de Domitilla dès le iie siècle, mais pas de peintes avant le plein moyen-âge, d’accord).

 

Donc, comme c’est de plus en plus souvent le cas avec ces pseudo documentaires, on mène le spectateur en bateau avec des séquences serrées, sans succession logique, des hypothèses délirantes présentées à grand renfort d’appareillages sophistiqués par des « savants » qui sont probablement des acteurs ratés, et après de longs détours on finit quand même par laisser une toute petite place à la vérité : oui, le suaire de Turin est bien une supercherie, fabriquée quelque cinq siècles avant cette autre supercherie qu’est le prétendu documentaire.

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