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17 septembre 2012 1 17 /09 /septembre /2012 20:56

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À propos de l’ouvrage définitif de Jean-Louis Voisin, Alésia, un village, une bataille, un site, Éditions de Bourgogne, 2012, 220 pages, 3 illustrations, 18,50 €.

 

C’est le bandeau rouge qui nous avertit qu’avec cet opuscule aussi banal qu’agressif le débat est définitivement tranché.

Il l’est effectivement dans l’esprit de ceux qui souscrivent aveuglément au dogme et ne permettent aucune interrogation, aucun doute. Comme les intégristes de n’importe quelle religion pour qui il y a eux, les pieux, les fidèles, les obédients perinde ac cadauer, et tous les autres, les atypiques, les hérétiques, les libres-penseurs. Mais comme on est entre gens polis, n’est-ce-pas, on ne lance pas vraiment d’excommunication ni de fatwa, on n’arrache pas les ongles, on ne brûle pas les sorcières, mais si les arguments ne sont pas contondants comme la fleur bleue de Boby Lapointe, ils sont frappants comme le Bottin dont us(ai)ent les interrogateurs musclés du 36 : ça fait mal, mais ça ne laisse pas de traces.

Pourtant, quelle platitude, quelle enfilade de banalités et d’arguments recuits ! magister dixit, telle est la ritournelle de ce pénible pensum qui a, de plus, été mal relu : innombrables fautes de français et de typo, et quelques perles comme p. 35 prénommer Sextus le Grand Pompée (qui s’appelait Cnaeus, pour qui l'ignorerait) ou d’inventer (p. 182) un « Chalon-sur-Seine » vers quoi mènerait l’une des neuf voies qui partent d’Alésia (et se limitent à quatre, puisqu’il y a évidemment des troncs communs entre Sombernon, Dijon et Chalon sur Saône, Vertault et Langres, Saulieu et Sens.  Autres bourdes en chronologie, quand on fait naître César en 100 alors que son cursus indique qu’il est né en 102, ou pis, qu’on estime les armes de l’Âge du Bronze antérieures de cinq siècles à Vercingétorix : c’est au moins le double.

Passons sur les anecdotes, le transport de la statue géante de Napoléon III, pardon, de Vercingétorix, les musiquettes inaugurales proposées par Léo Delibes (et jamais jouées), les braves paysans qui imaginèrent un saint Gétorix (p. 144) et les catholiques réactionnaires qui recréèrent, dans les années 1830, le pèlerinage de Sainte Reine, héritière de divinités gauloises des sources guérisseuses. Pas original, et en plus c'est piqué à Goudineau. L’Église, l’Empire et l’Université, un triple patronage dont l’esprit scientifique eut toujours à souffrir.

Après le flot de banalités, vient le morceau de bravoure qui n’a qu’un but, discréditer, calomnier, diffamer les « inventeurs » d’autres sites : ce sont des demi-habiles à la mode de Pascal, des savants de cabinet de sous-préfecture, soit corrects latinistes ignorants du terrain, soit naïfs complotistes, voire maires de communes qui veulent attirer le chaland dans des boutiques à touristes sous le prétexte qu’ils auraient Alésia chez eux ! (p. 162-164).

Or, si sur peut-être 400 communes et lieux-dits de la Normandie (Falaise) à la Haute Maurienne (Aussois), les Germanies (Bergen-Belsen) qui peuvent revendiquer l’origine *pal(s)sous divers consonantismes (sans compter Felsina, Bologne en étrusque), il y a sans doute une petite centaine de bourgs gallo-romains qui ont porté le nom d’Alesia, comme il y a des dizaines de Mediolanum et de Condate, il ne faut forcer ni dans un sens ni dans son opposé : que sur l’inscription d’Alise l’agglomération s’appelle ALISIIA n’interdit pas que le lapicide se soit trompé (les Gaulois écrivaient très peu) sur une graphie *ALIISIA, car on sait (enfin, ceux qui se sont documentés savent) que le II représentait E ; ce transfert d’une voyelle s’appelle métathèse vocalique. À l’inverse, ce n’est pas parce qu’on n’a pas d’inscription qu’Alaise, par exemple, ne s’appelait pas Alesia !

De là à publier que tous ceux qui proposent un autre site que le sacro-saint sont des imbéciles, il y a loin… mais pas si loin de l’article R 1621 du Code Pénal qui qualifie la diffamation.

Il est désolant qu’à la suite de cette chasse aux sorcières l’auteur se permette de donner comme acquise la traduction la plus inexacte de la phrase fameuse de VII 66,2 : « Elle signifie simplement que le proconsul et ses troupes font route en direction du territoire des Séquanes en passant par un secteur situé à la périphérie des Lingons, donc qu’ils se trouvent toujours en territoire lingon lorsqu’ils sont attaqués par la cavalerie gauloise… » (p. 165. Non ! per + accusatif, in + accusatif et l’imparfait du subjonctif avec cum historicum, réunis, ne laissent place à aucun doute : cette bataille de cavalerie eut lieu au moment où César était en train d’entrer chez les Séquanes en traversant l’extrémité du territoire lingon. César dit bien que sa tête de pont était chez les Séquanes, et pour donner quelque substance au dogme, il faut soit refabriquer une grammaire latine à sa façon, soit déplacer les Séquanes à l’ouest de la Saône moyenne (ce qu’a tenté Carcopino, en imaginant que les Mandubiens aient été un fragment des Séquanes détaché opportunément sur l’autre rive…).

Remarquons que César a également écrit que son Alésia ne peut pas être à cent kilomètres de la Saône, mais à une journée ou peut-être deux (on peut ergoter sur altero die ; Tite-Live aurait écrit proximis castris pour indiquer une journée de marche et alternis ou binis castris pour deux journées). Donc César démolit aussi Chaux-des-Crotenay.

Il est facile, à partir de ce patakès, de mélanger aussi tous les sites qui ont un jour prétendu sans aucun argument être l’Alésia de César : Alès est bien sûr trop au sud, Guillon trop au nord, Izernore trop près du Rhône, Novalaise trop loin (comme Aussois qui m’est cher pour ses paysages, mais qui appartenait aux Ceutrons qui n’ont été conquis que plus tard, par Auguste), Luzy trop à l’intérieur du territoire éduen, Authezat, évidemment, chez les Arvernes, Auxonne sur la Saône, et tant qu'on y est l'Aussois proche de Corbigny (Nièvre) sur la "mauvaise" bordure du Morvan. D’autres sites ne présentent aucun relief intéressant, dont ceux qui se situent au sud de Besançon. Mais il n’empêche que beaucoup de sites franc-comtois ont été proposés, ce qui signifie que les Franc-Comtois connaissent le latin ! Eux…

Traiter, au passage, d’ « authentiques savants » (sic) Berthier et Wartelle qui ont commis, on peut le dire après leur décès, des faux, en ne mentionnant que la fausse analyse 14C du malheureux Fèvre, c’est un moyen de détourner l’attention d’authentiques latinistes qui ont vu, sans doute avec un peu de paranoïa (je ne parle pas de moi, mais de Mérona) et de solides militaires qui, malheureusement, n’ont publié que sous forme de polycopiés confidentiels… ce qui confirme que paranoïaques, ils l’étaient, puisqu’ils soupçonnaient les revues savantes de ne pas vouloir d’eux, ce qui était vrai (ils ne rédigeaient pas selon les normes universitaires) et se confiaient aux Dernières nouvelles locales… ce qui est faux, mes amis salinois ont toujours été malheureux avec FR3 Franche-Comté comme avec la presse écrite locale, et les maisons de la presse ne mettaient pas souvent leurs polycopiés sur le comptoir.

Ce qui les a persuadés, et je ne saurais dire que c’est dû seulement à la paranoïa, que le mythe de Chaux des Crotenay n’avait été fabriqué que pour servir d’écran de fumée aux falsifications du dogme d’Alise Sainte-Reine.

Évidemment, ce n’est pas un tenant fanatique du dogme bourguignon qui va avouer un tel subterfuge, je ne suis pas psychiatre, mais je n’aurais pas jugé dignes de la camisole de force ceux avec qui j’ai longuement visité le site de Salins. D’ailleurs Voisin ne lui consacre que dix lignes, juste pour signaler l’oppidum du Château, qui est du Hallstatt final et ne saurait rien prouver pour une époque de quatre siècles postérieure… et pour dissimuler que le site de Salins correspond un peu mieux que le Mont-Auxois à la description, technique et forcément sommaire, de César.

Alors, ayant passé sous silence la seule hypothèse susceptible de contrarier le dogme, on va asséner les neuf derniers coups – qu’on appellera sans vergogne « la preuve par neuf ». Ceci s’articule en dix petites pages ponctuées du refrain : « aucune Alésia supposée ne peut… ». Et pour cause ! Alise a bénéficié d’une tradition chrétienne autour de Germain d’Auxerre, pas le Jura ; on n’a trouvé nulle part d’inscriptions, ni d’armes, ni de fossés, ni de monnaies, ni de chevaux… puisqu’aucun site, hors l’officiel, n’a bénéficié d’un siècle et demi de fouilles grassement subventionnées ! C’est facile… ce sont les coups de Bottin dont je parlais en commençant.

Avec ça, oui, je reste assommé… devant tant d’aveuglement et de mauvaise foi. Dire autre chose que le refrain imposé, c’est faire de l’archéologie « imaginaire » (Reddé), « fantasque » (Jean-Pierre Adam, souvent mieux inspiré), « supposée »…

C’est aussi clairement nous prendre pour des cons.

Avis à mes étudiants de master et de CAPES, je ne parlerai plus d’Alésia en cours : vous regarderez ce blog, où figurent déjà quelques articles sur la question, et en particulier sur le Disneyland qu’on vient d’y poser.

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commentaires

Y
<br /> Potius sero quam nunquam ! Merci pour votre réponse<br />
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Y
<br /> Bonjour Professeur,<br /> <br /> <br /> je partage vos opinions sur Alise Ste Reine mais me permet de revenir sur l'un de vos arguments :<br /> <br /> <br /> "Remarquons que César a également écrit que son Alésia ne peut pas être à cent kilomètres de la Saône, mais à une journée ou peut-être deux (on peut ergoter sur altero die ; Tite-Live aurait<br /> écrit proximis castris pour indiquer une journée de marche et alternis ou biniscastris pour deux journées). Donc César démolit aussi Chaux-des-Crotenay. "<br /> <br /> <br /> Partons du BG VII 66, où César indique qu'il entre chez les Séquanes -je vous suis sur ce point-: ne peut on envisager que, quitte à se mouiller pour franchir une rivière, qui plus est en<br /> sortant d'un territoire allié, César ait campé la veille du coté le plus sûr? Cela autorise donc à situer éventuellement le franchissement de la Saône en début d'étape. Au pire, rien ne<br /> l'interdit.<br /> <br /> <br /> Ensuite au BG VII 67: "postero die" situe a priori l'attaque de la cavalerie Gauloise le lendemain de l'entrée en pays Séquane...mais à quel moment de la journée ? "Qua re nuntiata<br /> Caesar" donne à penser que l'assaut est donné en tête de convois et qu'il faut un certain temps aux messsagers pour remonter la file jusqu'à César. Le long train de 10 à 12 légions et leurs<br /> bagages, s'étire, au dire des spécialistes (Rambaud, Le Bohec...) sur plus de 25 km, sur un rythme possible, en situation d'urgence, de 30 à 35 km par jours (toujours selon M. Rambaud). Autant<br /> dire que quand l'arrière démarre, l'avant a déja fait l'essentiel de l'étape du jour. Si tout le convois est en marche quand survient l'attaque, il ne parait pas idiot de penser que Vercingétorix<br /> a attendu la fin de journée pour attaquer tout ce monde. N'est-ce pas, d'ailleurs, stratégiquement pertinent d'attaquer un énemis fatigué par un journée de marche; et aussi, César semble<br /> l'indiquer au BG VII 68 lorsqu'il ordonne de rassembler les bagages gardés par 2 légions, tandis qu'on poursuit l'arrière garde gauloise tant que le jour le permet: Vu que"altero die ad Alesiam<br /> castra fecit", tout laisse à penser que, le soir de l'assaut de cavalerie, les romains avaient établi leur campement pratiquement sur les lieux du combats, là où ils avaient laissé leurs<br /> bagages avec deux légions. Celà me parait conforter encore l'hypothèse d'un combat en fin de journée. En tous cas, rien ne l'interdit.<br /> <br /> <br />  Donc, si elle est entrée en Séquanie un matin, en début d'étape, l'armée de César pourrait avoir parcouru près de 70 km lorsqu'elle subit l'attaque de cavalerie, postero die, en<br /> fin d'étape : or, de Mailly, au sud d'Auxonnes, où la Saônes est guéable et à peu de distances du Doubs, lui même guéable dans la plaine du finage dolois, il n'y a, jusqu'à Crotenay, où Berthier<br /> situait l'attaque gauloise, que 62 km par les routes et chemins, sur un itinéraire très peu accidenté, donc pratiquable, semble-t-il en deux étapes menées bon train.<br /> <br /> <br /> Le texte Césarien ne me semble donc nullement interdire qu'Alésia fut Chaux des Crotenay. Seule à ce jour l'archéologie l'interdit puisque, comme pour dautres sites en France, surtout s'ils<br /> revendiquent une localisation contraire au consensus officiel, aucune fouille n'est autorisée, encore moins financée.<br /> <br /> <br /> Comme vous dites, on a beau jeu de reprocher l'absence de preuves aux autres sites candidats quand tous les moyens sont concentrés sur un seul...drôle de science ! Permettez-moi de saluer votre<br /> courage et votre indépendance de pensée: de tous les grands spécialistes français de l'antiquité, vous semblez bel et bien être le dernier à faire montre d'un minimum de sens critique.<br /> Puissiez-vous faire école.<br />
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A
<br /> <br /> À peine un an de retard… je viens seulement d'apprendre les faces cachées d'over-blog, et j'ai découvert votre premier commentaire après le second. Vos arguments sont plus que pertinents, et<br /> m'obligent à me bouger et à retourner en Séquanie avec une batterie de cartes. Cela dit, je n'avais pas objecté le kilométrage dans mon (regrettable) article de 93, ce qui gêne n'est pas ce qu'il<br /> y a devant Chaux, mais derrière… et depuis j'ai trouvé une objection (inédite mais à vue d'œil dirimante) en plaine de Bresse. À suivre, bien à vous…<br /> <br /> <br /> <br />